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l’esprit. La vie est assignée à l’organisme physique ou corps ; —— tous ses phénomènes sont objectifs. L’esprit est attribué à l’organisme psychique ou âme ; tous ses phénomènes sont subjectifs. Quoiqu’il soit démontré que ce qui est appelé mon corps est un groupe de qualités qui sont des sensations — sa couleur, sa forme, sa solidité, sa position, ses mouvements, tous ses attributs physiques étant ce que nous sentons en conséquence des lois de notre organisation, cependant, en tant que ces sensations ont les signes caractéristiques de l’objectivité et sont ainsi rapportées à quelque existence objective, nous tirons une large ligne de démarcation entre elles et d’autres sensations ayant les signes caractéristiques de la subjectivité et se rapportant à nous-mêmes comme sujets. L’analyse psychologique nous montre que cette ligne de démarcation est artificielle et représente seulement une diversité d’aspect ; mais comme telle elle est indispensable à la science. Nous ne pouvons réellement pas séparer dans une sensation ce qui est objectif de ce qui est subjectif et dire quelle part revient au cosmos en dehors de la sensibilité et quelle part revient au sujet pur et simple ; nous pouvons seulement considérer la sensation alternativement sous ses aspects, objectif et subjectif. Il nous est absolument impossible de savoir ce qui dans le phénomène de la couleur appartient à l’existence extra-mentale et ce qui appartient « au souffle de l’esprit », car les ondulations éthérées que les physiciens présupposent comme la condition cosmique, sont elles-mêmes assujéties à ce même souffle de l’esprit : elles sont aussi des formes idéales d’expériences sensorielles.

On est cependant arrivé très-lentement à cette conclusion. La différence d’aspect est devenue le fondement d’une différence correspondante dans les causes. Chaque groupe a été personnifié et isolé. L’un des groupes a été personnifié dans l’âme, essence à tout égard opposée à la matière, l’essence représentée dans l’autre groupe. « L’âme », disait-on, « est simple, indestructible, la matière composée et destructible. La première est invisible, impalpable, au-delà de la portée des sens, la seconde visible, tangible, à la portée des sens. La première appartient au ciel, l’autre à la terre. » Ainsi un dualisme biologique, analogue au dualisme cosmologique, remplaça la notion première. Il a été miné par des travaux faits dans deux directions. La psychologie a d’abord révélé que notre conception de la matière était pour le moins saturée d’intelligence, ses atomes étant de l’aveu général des fictions idéales ; elle a montré également que tous les termes par lesquels nous exprimons des qualités matérielles étaient des termes exprimant des modes de la sensation, de sorte que tout ce qui restait en dehors de cette dernière