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lewes. — marche de la pensée moderne

faits mentaux sont des faits physiques exprimés en termes subjectifs.

Mais tandis que la philosophie remplace ainsi les conceptions du dualisme et de l’idéalisme par la conception du double aspect, les sciences spéciales dans leur marche analytique ont complètement négligé le problème. La théorie mécanique de l’univers a, non-seulement simplifié l’investigation en se bornant uniquement à l’aspect objectif des phénomènes, mais par une simplification ultérieure elle a mis de côté toutes les relations vitales et chimiques pour s’occuper exclusivement des relations mécaniques. Pour connaître les relations mathématiques du système planétaire, on ne pouvait tirer aucun éclaircissement des conceptions biologiques ou chimiques ; c’est pourquoi les planètes ont été provisoirement dépouillées de tout ce qui n’était pas mécanique. En systématisant les lois du mouvement, il était nécessaire de débarrasser les relations abstraites de tout ce qui ressemblait d’une manière ou d’une autre à la spontanéité ou à une action extra-mécanique ; par une fiction hardie on a donc déclaré que la matière était inerte et on a regardé ses mouvements comme une propriété venant du dehors.

Ce procédé était indispensable pour la création de ces lois idéales qui forment l’objet des recherches scientifiques. La science est, comme nous le disons souvent, la systématisation de l’expérience sous forme de lois idéales. L’expérience implique la sensation et certains caractères fondamentaux qui peuvent tous se réduire au discernement primitif de ressemblances et de dissemblances. C’est pourquoi la science est en premier lieu une classification des qualités ou des ressemblances ou des dissemblances qui ont été discernées ; en second lieu, elle est une mensuration des quantités de ressemblances et de dissemblances observées. Quoique la mensuration soit elle-même une espèce de classification, elle s’en distingue par l’adoption d’une unité fixe de com-paraison qui. à cause de sa précision et de sa fixité, nous permet d’exprimer les comparaisons par des symboles précis et invariables. Soit que l’unité de longueur adoptée soit un pouce, un pied, un mètre, un mille, la distance de la terre au soleil ou la distance des étoiles fixes, les quantités mesurées de cette façon sont des symboles qui admettent une interprétation invariable. L’exactitude des sciences mathématiques consiste justement dans cette précision et cette invariabilité de leurs symboles et n’est pas, comme on le suppose généralement, la source d’une certitude supérieure relativement aux faits. Les sciences de classification, qui s’occupent plutôt de qualités que de quantités, peuvent nous offrir une certitude égale, et représenter une connaissance plus complète, car elles comprennent des sensations plus variées ; mais elles ne peu-