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ou pour une intelligence plus éclairée sous la loi du nombre, et qu’ainsi la mathématique s’applique, de par la règle logique des réciproques, à tout représentable. Mais ce qui échappe à la représentation, échappera par cela même à la détermination numérique.

Ce qui serait illogique, c’est que l’infini fût donné comme un tout déterminé, et, par suite, fini : connaître, c’est tout à la fois réunir et limiter, toute connaissance est une synthèse de la diversité, comme dit Kant, elle suppose donc des limites, et dans ces limites des éléments nombrables, de sorte qu’un tout distinct ne peut être continu, c’est-à-dire composé d’un nombre sans nombre de parties, pour employer les expressions de M. Renouvier. Le continu est donc chimère, soit ! aussi loin que je remonterai dans le passé, je trouverai des choses distinctes composées d’éléments distincts, je l’admets ; enfin, on aura beau reculer la limite de la connaissance, à partir de toute limite, l’univers est tel nombre et non tel autre, c’est indéniable. Mais au-delà de la limite posée, ou supposée, n’y a-t-il rien ?

M. Renouvier dit quelque part, que la création est l’acte de la plus que puissance. Ce qui est plus inintelligible que la création e nihilo — conception incompréhensible sans doute, mais non contradictoire dans les termes, puisqu’une cause est posée de toute éternité et que si elle ne tire pas tout d’elle-même (ce serait le panthéisme), elle fait du moins tout devenir par sa volonté qui n’est pas un néant d’être — ce qui, dis-je, est plus inadmissible que la création e nihilo par une cause première éternelle, c’est cette cause ou toute autre chose devenant sans cause, sans antécédent, c’est cette cause, une ou multiple, surgissant inopinément du néant. Le néant, à ce compte, engendrerait l’être, ou plutôt le néant serait déjà lui-même quelque chose en puissance. N’est-ce pas revenir ainsi à l’identité des contradictoires qu’a si intrépidement acceptée Hegel, mais que M. Renouvier condamne avec tant de force, au nom de la logique et du bon sens dans tous ses écrits ?

L’éternel a une apparence d’absolu pour l’auteur de la Logique générale, et il le repousse à ce titre : mais le relatif éternel n’est-il donc pas toujours le relatif ? Bien loin que la relativité infinie soit contraire aux lois de la connaissance, elle empêche d’admettre un premier terme qui ne serait pas relatif, auquel ne s’appliqueraient pas les catégories de l’entendement et qui aurait de grands airs de ressemblance avec l’absolu nouménal.

L’éternel est l’infini, et l’infini ne peut entrer dans la science sans la détruire ; oui, si l’on a l’orgueil de vouloir connaître ce qui, par son absence de limites, échappe à la connaissance ; non, si l’on se résigne à reculer de plus en plus les bornes de l’ignorance et à se