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beurier. — philosophie de m. renouvier

continuation, chaque partie ne venant occuper une place dans l’étendue abstraite qu’à la condition et dans la mesure même qu’une partie antérieure la quitte en même temps, elle-même étant suivie par une partie postérieure également conditionnée[1]. » La nécessité universelle résulte donc de ce système et l’avoir repoussé, c’est avoir laissé la place libre à la liberté, à la responsabilité, à la loi morale. On voit comment tout s’enchaîne dans le criticisme de M. Renouvier, et comment, quant à la méthode, tout s’y ramène de près ou de loin au principe de quantité, traduction mathématique du principe de contradiction.

Ce principe une fois posé, l’auteur des Essais le fait servir, comme je l’ai dit, à réfuter l’existence de tout être en soi, et de plus à résoudre les antinomies kantiennes.

Négation de l’être en soi. — Nous avons distingué, dans la connaissance, le représenté et le représentatif. Le représenté se développe dans l’espace, se déroule dans le temps, il nous est donné comme matière, comme mouvement ; mais aucun de ces objets ne peut être considéré comme une chose en soi. Ainsi, « l’espace est partout et toujours homogène, de sorte que s’il a des parties, ses parties elles-mêmes en ont. Donc, la division de l’espace est sans terme et cela soit qu’il s’agisse de l’espace total, ou de ce qu’on appelle une étendue finie, » ce qui revient à dire que « l’espace, chose en soi, se compose de choses sans nombre et qu’il existe des choses réelles, actuelles, qui ne sont pas en nombre déterminé, ce qui est absurde. » La même démonstration vaut naturellement pour le temps, elle vaut également pour la matière, cette matière étendue, figurée, divisible, qui, si elle était une chose en soi, composée d’atomes, comprendrait un nombre infini de ces atomes : notion contradictoire. On dira que le temps, l’espace et la matière se résolvent en premiers et derniers éléments dont la répétition en nombre déterminé les constitue, mais alors ces éléments ne sont ni temps, ni espace, ni matière, puisqu’ils ne sont pas divisibles.

« La considération du mouvement, dit M. Renouvier, achèvera de mettre en évidence l’impossibilité du continu en soi. Le mouvement nous est représenté, en effet, comme une application successive de quelque portion de matière aux parties juxtaposées de l’espace. Nulle difficulté quant à la représentation, parce que les étendues parcourues et les durées écoulées, en tant que représentées, sont toujours mesurables, toujours déterminées par comparaison à d’autres durées, à d’autres étendues également représentées. Mais il en est tout au-

  1. Id, 110.