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beurier. — philosophie de m. renouvier

C’est dans les trois premiers essais, que sont exposées les lois ou catégories de la connaissance, les conditions de la certitude, les limites et la sphère légitime de la foi raisonnable dans l’ordre des affirmations non scientifiquement démontrables que la science autorise cependant ou que postule la morale sans contredire la science. Un autre problème est indissolublement lié, d’après l’auteur, à celui de la certitude. Les autres écrits se rapportent à la morale et à l’histoire.

Mais, avant tout, il faut se rendre compte de la méthode de l’auteur.

II

Objections de M. Renouvier contre Kant.


Comme il le proclame hautement à toute occasion, M. Renouvier procède de Kant et, ainsi que lui, il se demande : qu’est-ce que connaître et comment connaissons-nous ? de quoi sommes-nous certains et comment le sommes-nous ? Tout d’abord, sommes-nous assurés d’être des êtres libres, par suite des êtres responsables et moraux ? Les questions fondamentales restent donc les mêmes, mais la méthode employée pour les résoudre et souvent les solutions elles-mêmes sont différentes dans le nouveau criticisme. Pour bien comprendre et bien suivre la pensée du philosophe français, il importe de connaître les principales objections qu’il fait à la doctrine kantienne dans son ensemble systématique.

Il accuse Kant de contradiction, mais la contradiction qu’il lui reproche ne consiste pas à alléguer, comme on l’a fait trop souvent, que « l’auteur des deux critiques ayant rétabli sur un fondement pratique et moral les mêmes affirmations dont il prétendait avoir démontré la fausseté ou impossibilité dans l’ordre théorique ou logique, l’ensemble de son œuvre se trouve infirmé et reste sans valeur. » M. Renouvier n’a pas de peine à disculper Kant d’une erreur aussi grossière. « Le fait est, dit-il, que Kant n’a pas même eu besoin de prévenir l’objection ; c’est dans le cours de ses analyses, et au moment essentiel, près de conclure, qu’il se demande comment il est possible de faire droit aux obligations de la raison pratique en respectant les décisions de la raison théorique, et la manière dont il établit et formule les postulats de la raison pratique est précisément et formellement conçue pour ne rien impliquer de ce que la raison théorique interdit… En les formulant, il a fait usage de la notion du