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E. de hartmann. — un disciple de schopenhauer

c’est-à-dire comme complément réciproque dans le combat intellectuel. L’union directe de l’intelligence et du caractère dans le cerveau a pour conséquence que la lutte des idées, étant conduite par des individus, devient en même temps une lutte de tendances, c’est-à-dire un conflit réel ; ce qui non-seulement n’est pas un obstacle pour les fins du processus, mais est favorable à leur accomplissement. Pour ma part, je ne puis me représenter une réalisation de la raison dans le processus, par de nombreux individus réels, autrement qu’en supposant que la rationalité réelle s’engendre toujours à nouveau, dans le conflit réel existant entre ce qui est plus ou moins rationnel, afin d’arriver par de perpétuelles luttes exterminatrices à des degrés historiques toujours plus élevés. Tout autre mode de se représenter la question néglige la réalité et le caractère borné des individus qui d’un côté entrent en lice comme représentants réels de la raison, mais d’un autre côté ne sont capables de comprendre et de représenter qu’une raison partielle.

Certainement cette conception nécessite l’hypothèse que le concept du rationnel concret lui-même, tel qu’il apparaît dans l’histoire, est capable d’une progression ascensionnelle, hypothèse que Bahnsen combat également. Dans mon opinion le logique est un principe formel qui devient déterminant par le contenu intuitif de l’idée, dès que celle-ci devient actuelle ; mais elle le devient seulement quand son énergie logique est sollicitée à entrer en action dans le sens négatif, par l’apparition de l’illogique. C’est ainsi que le principe logique formel trouve sa première application dans l’illogique, et celle-ci consiste à en établir la négation à titre de postulat logique. Ce postulat devient « but » en tant que le logique le complète par l’idée d’un moyen conduisant à sa réalisation. La téléologie est donc la logique appliquée à l’illogique. Mais le principe logique formel est éternellement identique à lui-même ; de même le but absolu est toujours unique et le même pendant tout le processus ; au contraire « le moyen absolu » forme une longue chaîne de buts et de moyens qui à la vérité n’existaient pas explicitement dans l’Idée absolue, mais sont seulement contenus implicitement dans l’intuition de chaque moment, tout en arrivant successivement à se développer dans la suite réelle du processus universel. En dehors de tout temps réel, aucune réalisation du but ne serait sans doute possible ; mais si nous supposons cette impossibilité possible, il n’y aurait alors que des catégories logiques et point d’historiques. Cependant dès que nous entrons dans la suite des époques du processus, c’est-à-dire dans l’histoire, il faut que, conformément au concept du développement, indépendamment de la constance du logique comme principe formel