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ANALYSES. — hartmann.Réalisme transcendantal.

hauer à partie et analyse habilement les contradictions accumulées par lui dans sa conception subjective de la matière. — Les arguments idéalistes doivent toute leur force, observe-t-il en terminant, au seul principe suivant : « tout ce que je puis penser est ma pensée ; tout ce qui n’est pas ma pensée m’est donc inintelligible. » Mais on oublie que l’objet transcendant peut être identique par son contenu avec ma pensée, tout en différant d’elle par la forme : elle serait consciente ; lui, inconscient. « La solution des difficultés du problème delà connaissance doit être cherchée dans l’identité de la pensée et de l’être, de l’idéalité consciente et de l’idéalité inconsciente, de la raison subjective et de la raison absolue. C’est la voie qu’ont déjà tentée Schelling et Hegel ; mais ils ne se sont pas préoccupés d’écarter les obstacles. » M. de Hartmann est ainsi conduit à présenter son principe de l’inconscient, comme fournissant la vraie solution du problème discuté.

VI. les catégories comme forme de la chose en soi. Les diverses catégories constituent autant de déterminations de la chose en soi. L’unité caractérise l’essence de la chose en soi, mais il y a une multitude de choses en soi. La chose en soi existe ; elle agit, comme substance et suivant la règle nécessaire de la causalité. « Aussitôt qu’on admet que, dans le monde des choses en soi, les lois de la logique exercent une action aussi impérieuse, aussi absolue que dans le monde de la conscience, si l’on croit que la raison absolue et unique se manifeste aussi bien dans l’un que dans l’autre, on n’a plus aucune raison de repousser cette application des catégories. » — Examinons un instant ce que sont les catégories.

Au regard de la conscience, ce ne sont que des concepts abstraits, comme tous les autres. « Si l’on sépare l’élément empirique de tout jugement fourni par l’expérience, dit Kant, il reste l’élément intellectuel, c’est-à-dire la catégorie. » Mais, à la différence des autres concepts, les catégories sont contenues à l’avance dans l’entendement lui-même, comme autant de germes, qui n’attendent que l’expérience pour se développer : elles sont comme les « connaissances virtuelles », dont parle Leibniz. La raison souveraine, qui vit en chaque être, les produit spontanément dans tout entendement discursif. Si Kant les refuse à l’intuition de l’entendement divin, c’est que la matière de l’intuition et la forme logique ne sont pas, chez lui comme chez nous, données séparément et par des voies différentes ; mais qu’elles sont conçues et réalisées du même coup par un seul acte de la spontanéité créatrice. La doctrine de Kant sur les catégories s’appellerait bien un système de conformité (Conformitätsystem), de la raison pure, une harmonie résultant de l’action universelle de la pensée créatrice. Fichte et Schelling, en niant la causalité transcendante, sont obligés, comme Leibniz avec ses monades sans fenêtres, de recourir à l’harmonie préétablie, c’est-à-dire à une sorte de préformation mécanique. Hegel, au contraire, développe dans toutes ses conséquences le véritable système de la conformité rationnelle des êtres, que Kant avait pressenti. Mais Kant avait