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LIARD. — LA LOGIQUE DE STANLEY JEVONS 291

A, et AB. Mais nous avons vu plus haut qu'il n'en était rien. Peut- être un jour l'algèbre sera-t-elle appliquée avec succès aux notions de qualité ; on peut croire en effet que chaque qualité distincte est, dans la réalité, un système de mouvements définis ; par suite les relations qualitatives se résoudraient en relations quantitatives, et des équations pourraient exprimer, dans cette hypothèse, la généra- tion des quahtés. Mais la science est loin d'avoir atteint ce résultat, et, d'ailleurs, y fût-elle parvenue, que M. Jevons ne saurait s'en pré- valoir, puisqu'il a voulu non pas réduire la science de la quahté à la science de la quantité, mais les asseoir toutes deux sur les mêmes fondements.

Mais si l'exécution ne répond pas au dessein de l'auteur, puisque M. Jevons est conduit, par le symbolisme qu'il adopte, à exprimer les propositions sous forme d'équation, et à subordonner ainsi la logique à l'algèbre, est-ce à dire que l'idée d'exprimer en un système complet les principes et les procédés communs de tous les raisonne- ments, quelles qu'en soient les matières différentes, soit chiméri- que? En aucune manière. — La Logique formelle, telle qu'on la trouve libellée dans la plupart des traités, n'est qu'une partie de ce qu'elle devrait être, ou, plus exactement encore, elle est une espèce d'un genre encore indéterminé. L'esprit est un; on ne saurait mécon- naître qu'en toutes ses démarches, quelle qu'en soit la direction, il obéit à certaines règles fondamentales, et met en œuvre certaifis pro- cédés généraux. Déterminer ces règles et ces manières d'être com- munes à tous les raisonnements, sans se préoccuper des modifica- tions qu'elles peuvent recevoir lorsqu'elles portent sur des matières spécifiquement distinctes, serait le but de la logique générale. Re- chercher ensuite quelles transformations subissent les principes et les procédés généraux de l'inférence, lorsqu'elle est apphquée à tel ou tel ordre de notions, serait le but de ce qu'on pourrait appeler la Logique de la quantité, la Logique de la qualité, etc. A ne considérer que le raisonnement qualitatif et le raisonnement quantatif dont nous avons parlé plus haut, il est incontestable qu'il existe entre eux, malgré une procédure commune, de grandes différences. Ainsi, dans le syllogisme ordinaire, les propositions sont tantôt particulières, tantôt universelles ; dans le raisonnement mathématique, les équa- tions sont toujours singulières, bien qu'elles aient une valeur géné- rale; ici, il y a lieu de distinguer, d'après la place du moyen terme dans les prémisses, diverses figures et divers modes, d'après la quan- tité et la quahté des propositions; là, figures et modes n'auraient aucune raison d'être. On peut donc conjecturer qu'il y aurait autant de ces logiques spécifiques, qu'il y a de catégories distinctes de rela-

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