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trop bon philosophe pour dire avec les matérialistes que toute téléologie n’est que charlatanisme et non-sens, il en résulte cette conséquence remarquable, qu’il s’efforce de maintenir, relativement au problème téléologique seul, le point de vue subjectif-idéaliste rejeté par lui en principe pour tout le reste et dont il a parfaitement pénétré l’erreur fondamentale. Cette inconséquence seule aurait dû suffire pour lui faire remarquer qu’il y avait quelque chose de faux dans sa manière de comprendre la téléologie.

Si on adoptait sa théorie, il serait sans doute logique de se demander pourquoi l’Être un et universel ne nous a pas créés tout de suite capables de pénétrer « uno obtutu et par une intuition infaillible l’enchaînement de l’univers ainsi que le but de son anéantissement, » sans nous imposer le tourment de recherches pénibles. Seulement cette question n’est pas encore assez logique. Car, dès lors que Bahnsen laisse de côté l’organisation matérielle conforme aux lois de la nature comme condition de la conscience et qu’il néglige la contradiction d’une conscience infaillible, il aurait dû plutôt chercher immédiatement l’intuition infaillible en question dans l’Être un et universel lui-même, puisqu’il pense que la séparation (diremptio) de l’Être un et universel aurait dû suffire pour la simple dualité (au lieu du luxe de la pluralité). De cette manière on reviendrait à l’éternelle dualité des attributs et le processus universel paraîtrait superflu pour le but universel. Mais à y regarder de plus près on trouvera que si l’on nie la finalité de l’individuation et du processus, le but cesse également d’être but, parce que ce concept existe seulement dans la corrélation avec le moyen terme qu’on a retranché ici (l’individuation et le processus) et il serait impossible de dire ce qui resterait encore à la pensée, en dehors de la substance absolue avec ses deux attributs. Au contraire, si l’on reconnaît que pour un but la logique exige aussi un moyen et que ce moyen est ici le développement d’un degré élevé de la conscience ; mais que la condition préalable à l’existence de ce moyen est une organisation matérielle de fonctions et de réactions constantes, et que ces dernières supposent en première ligne la constance des lois de la nature inorganique, alors il est démontré que la régularité universelle est une nécessité logique comme mécanisme fondamental de la téléologie, et que l’intégrité de ce mécanisme doit être respectée en toute circonstance, dans le cas où l’on croit à la possibilité d’un processus téléologique.

On ne peut pas mettre en doute qu’un ensemble logique de lois naturelles doive nécessairement servir de base au processus téléologique, mais il s’agit seulement de savoir comment doit être constitué