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DE LA RÈGLE DES MŒURS

Nous n’avons pas la prétention de dire quelque chose qui soit tout à fait nouveau sur un pareil sujet ni d’ajouter un autre système à tous ceux dont la morale, dont le souverain bien, le juste et l’injuste, ont été l’objet. Notre unique but est de mettre, s’il est possible, en une plus grande lumière, l’unique et solide fondement sur lequel repose, suivant nous, la règle prochaine et immuable des mœurs, en évitant le double écueil d’un spiritualisme nuageux ou d’un empirisme grossier. Il s’agit seulement de retoucher ou de retrancher quelques traits défectueux, dans des systèmes avec lesquels nous sommes d’ailleurs d’accord sur le fond même des choses.

Ces systèmes que nous tenons pour seuls vrais, entre tous les autres, sont ceux qui admettent quelque chose de fixe et d’invariable dans les principes de la morale, quelles que soient les erreurs qu’on puisse leur reprocher dans la manière dont ils entendent et déterminent leurs conditions, leur origine et leurs fondements. Nous considérons au contraire comme faux les systèmes qui affranchissent l’homme de toute règle naturelle et qui font dériver les lois morales de l’éducation, des mœurs, des coutumes, des inventions humaines, de la volonté des législateurs, sans nulle autre fin que l’utilité individuelle ou sociale. Ces systèmes qui excluent toute considération du bien et de l’honnête en soi, sont ceux que comprend Cicéron sous la qualification sévère, mais non imméritée, de fins dans lesquelles l’honnêteté n’entre pour rien, fines expertes honestatis.

Sans doute, il y a beaucoup de vrai dans tout ce qu’ont dit les sceptiques et les philosophes empiriques des variations et des contradictions des jugements entre les individus et des peuples sur le juste et l’injuste. Assurément ni Montaigne, ni Pascal, ni Locke, ne se trompent tout à fait, quand ils nous montrent une certaine justice qui change suivant les temps, suivant les degrés de latitude et les chaînes de montagnes. Mais aussi, d’autres n’ont pas moins bien