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taines de kilos. C’est que je juge d’après mes impressions et conformément à des règles générales que je me suis faites et qui me servent dans les circonstances les plus ordinaires de la vie. L’art de la peinture n’a pas d’autre raison d’être ; et dès que le peintre a produit sur mon œil l’effet de la réalité, il lui importerait peu d’apprendre après coup que les proportions dans l’éclat de ses couleurs ne sont pas celles de la nature.

En un mot, par conséquent, l’adaptation de nos sens aux fins de la vie, est un effet de leur perfectionnement progressif, de notre propre éducation, sans doute aussi de la lutte pour l’existence et de la loi de la survivance du plus apte. Est-il nécessaire après cela de recourir à des forces occultes[1] ?

Conclusion.

Voilà ce que j’avais à dire en faveur de la loi logarithmique de Fechner. J’espère avoir mis en relief sa vraisemblance, prouvé avec quelle facilité elle se prête à l’explication des phénomènes les plus saillants de la sensation, et établi sa conformité avec l’expérience sainement interprétée. Je demande pardon à l’illustre maître d’avoir dû pour cela recourir plus souvent à ma formule qu’à la sienne, bien que la transformation soit presque exclusivement mathématique. Mais cette transformation a une importance considérable à mes yeux en ce sens que là où il voit une loi psychophysique, je vois plutôt une loi physique. Déjà MM. Dewar et Mckendrick[2] ont démontré que l’intensité du courant nerveux transmis au cerveau par le nerf optique est proportionnelle au logarithme de l’excitation qui a agi sur la rétine. Cette confirmation de la loi, du côté où il s’y attendait le moins, a dû certes frapper l’esprit de celui qui l’a formulée le premier.

Je ne sais si cette défense sauvera, momentanément du moins, la loi logarithmique de Fechner. Mais quelque destinée que l’avenir réserve à cette loi et aux théories auxquelles elle a donné naissance, les lecteurs qui ont suivi attentivement cette longue argumentation, reconnaîtront sans peine que la question des rapports de l’âme et du corps est sortie aujourd’hui des nuages de la métaphysique pour

  1. Voir dans la Revue scientifique mon article sur Une loi mathématique applicable à la théorie du transformisme, n° du 13 janvier 1877.
  2. Voir le journal Nature du 10 juillet 1873.