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clairs s’affaiblissent, et que, quand au contraire elle diminue, ce sont les contrastes obscurs qui perdent de leur netteté. En dehors donc d’un certain champ d’équilibre naturel, l’œil devient moins apte à juger des oppositions ; et c’est ce qui fait qu’il est difficile de lire à un trop grand jour comme à une trop grande obscurité, et que de faibles ombres ne peuvent être vues que sous une lumière donnée comme dans le s photographies alpestres mentionnées par Helmholtz.

Nous devons ici faire une observation capitale. Fechner lui-même l’avait déjà indiquée[1]. S’il y a une loi ou plusieurs qui règlent les rapports de l’âme et du corps, de la sensation et de l’excitation, et, en général, de deux ordres de phénomènes quelconques, chacune d’elles, prise à part, est absolue, indépendante, inconditionnée. Les effets peuvent être à l’arrière-plan, mais ils n’en existent pas moins. Il n’y a pas lieu de voir une restriction à la loi de la gravitation universelle, par exemple, dans le fait que, quand la distance des molécules est très-petite, les forces répulsives viennent la contrecarrer. Les lois de Gay-Lussac et de Mariette n’en sont pas moins vraies d’une vérité pleine et entière, bien que, en dehors de certaines limites, leur exactitude paraisse en défaut. Bien mieux, elles ne se manifestent jamais dans leur simplicité théorique, par la raison, comme on dit, qu’il n’y a pas de gaz parfait. Il ne faut donc pas s’attendre à voir se vérifier expérimentalement avec une précision mathématique soit la formule de Fechner, soit la mienne, soit toute autre formule analogue ; car on n’opère pas sur un œil abstrait, sur une oreille sans corps, sur des fibres musculaires isolées. Des perturbations sont inévitables. Et encore ce mot de perturbations est mal choisi ; ce que nous nommons ainsi est un effet nécessaire mais dont nous ignorons la cause. Des irrégularités, des déviations, des exceptions même ne suffisent donc pas pour faire rejeter une loi ; cependant il faut les noter et en tenir compte, parce qu’elles sont tout au moins les indices de l’action d’autres lois. Les prétendues anomalies sont les manifestations de lois cachées et, à ce titre, ne peuvent être négligées.

Je reprends mon sujet. Voilà, au moins en ce qui concerne la lumière, la loi logarithmique sauvée. Passons à la température. On sait que Fechner a dû renoncer à la vérification de sa loi dans ce domaine. Exposons d’abord comment les expériences devraient se faire ; nous verrons ensuite les difficultés spéciales contre lesquelles il y aurait à lutter.

Je suppose que mes mains soient plongées dans un bassin conte-

  1. Voir Éléments de psychophysique, II, 435.