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sant plus lentement que les intervalles. Et enfin, quand on a mesuré la sensibilité pour l’évaluation du temps, on n’a pu mettre en lumière la proportionnalité requise.

Les recherches les plus importantes portent sur les grandeurs intensives. Si on les passe en revue, on voit que la loi logarithmique ne s’applique qu’aux sensations lumineuses et encore d’une façon imparfaite et dans des limites resserrées. Ce dernier point a été mis hors de doute par Helmholtz et Aubert. Je pense aussi que mes propres travaux ont contribué à ce résultat. On verra tantôt pourquoi je revendique ici ce mérite, si mince qu’il soit.

Les expériences faites sur le sens de la température n’ont pu réussir à cause des grandes difficultés qui entourent leur réalisation. Pour les sensations de pesanteur, M. Hering crut devoir recommencer les essais de Weber. Il en chargea deux étudiants en médecine qui travaillèrent sous sa direction. Ceux qui n’en font pas leur occupation ne se doutent guère combien ces sortes d’expériences sont longues et fastidieuses, et de quel dévouement envers la science et le professeur il faut être pénétré pour les entreprendre. Dans le cours de plusieurs semaines, de plusieurs mois peut-être, on doit, pendant de longues heures, soulever des poids, les apprécier par le sentiment, noter les résultats, et chaque fois s’assurer que l’on opère dans des conditions bien identiques. On recueille ainsi des milliers et des milliers de chiffres qu’il s’agit ensuite d’utiliser, de critiquer, de combiner pour en tirer une loi quelconque. Autrefois je me suis moi-même astreint à un pareil supplice pour éprouver ma formule de la fatigue, et je ne sais si je voudrais recommencer. Heureusement les professeurs, allemands sont toujours sûrs de trouver parmi leurs auditeurs un grand nombre de jeunes gens prêts, dans l’intérêt de la science, à tous les sacrifices qui leur sont demandés. Ils commencent par faire l’office de manœuvres, mais plus tard ces manœuvres deviennent souvent des maîtres. Donc, les étudiants Biedermann et Lowit ont construit trois grandes séries d’expériences portant sur les poids les plus variés et les mieux gradués. Les séries seront publiées plus tard. Pour le moment M. Hering se contente d’en détacher deux, et il en ressort à l’évidence que la loi de Weber n’est pas du tout exacte. La première comprend une suite d’expériences faites avec onze poids croissant par 250 grammes, depuis 250 grammes jusque 2750 grammes. Le poids additionnel qui amène une différence de sensation perceptible, et qui devrait, d’après Weber, être toujours la même fraction relative du poids fournissant la sensation en est au contraire une fraction de plus en plus petite jusqu’à un certain moment où cette fraction se met à croître.