Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/242

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
232
revue philosophique

sion que la loi de Fechner n’est pas identique avec celle de Weber, et que l’exactitude de la première, à la supposer établie, ne démontrerait pas celle de la seconde.

Arrivons au troisième point. Fechner regarde sa loi comme psychophysique, et non comme physique ou physiologique. Mais, vu que cette seconde assertion repose sur l’existence d’un rapport logarithmique entre l’impression et l’excitation, et que ce rapport n’existe pas, il est faux d’affirmer que la sensation croît comme le logarithme de l’effet psychophysique, censé proportionnel à sa cause excitante.

Après avoir ainsi examiné à un point de vue général la base de la théorie de Fechner, M. Hering la soumet ensuite à une critique plus détaillée.


II. — Suite de Hering : invraisemblances et difficultés résultant des lois de Fechner.


M. Hering commence par la deuxième proposition de Fechner ; et pour prouver sa thèse qu’elle est théoriquement invraisemblable, il a recours à différents arguments.

Si l’on recherche, dit-il, la loi des rapports de l’âme et du corps, la première hypothèse qui se présente à l’esprit, c’est que les effets psychiques, les sensations, sont proportionnels aux effets physiques, c’est-à-dire aux modifications corporelles produites par les excitations du dehors, et réciproquement que le corps à son tour est d’autant plus influencé par les actions psychiques que celles-ci sont plus fortes. Or il faudrait prouver qu’une pareille hypothèse, si simple et si naturelle, est inadmissible, avant d’en imaginer une autre plus compliquée. La proportionnalité entre l’effet et la cause s’impose pour ainsi dire à l’esprit, quand l’agent est en rapport immédiat avec le patient, comme l’est le processus psychophysique avec le psychique, fût-on même d’avis que le corps et l’âme sont deux substances différentes, à plus forte raison si, comme Fechner, on admet que les deux processus sont au fond identiques.

Je ne veux pas me prononcer sur la valeur de cette argumentation ; elle repose sur les idées de convenance, de simplicité, de probabilité, et il est toujours dangereux de les introduire dans les sciences positives. Les anciens ne pensaient-ils pas que les orbites des planètes étaient circulaires, parce que le cercle est la plus simple de toutes les figures ? D’ailleurs, si nous prenons même des exemples dans la physique, ne voyons-nous pas que la densité de l’atmosphère