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relever de leurs méthodes et de leurs procédés d’investigation. C’est à Fechner que revient l’honneur de cette tentative. Le point de départ de ses études se trouve dans les travaux de Weber sur les sensations de poids et la mesure des distances par l’œil. Ce savant physiologiste avait cru remarquer, entre les résultats qu’il avait trouvés et une loi bien connue en acoustique, une frappante analogie. On sait, en effet, que la plus petite différence qui puisse être perçue par une oreille humaine entre les hauteurs de deux tons différents est toujours la même, quelle que soit la hauteur de ces tons, qu’elle est, par exemple, d’un quart de comma pour les musiciens exercés, ou d’un demi-comma pour les simples amateurs, ou d’un comma et davantage pour ceux qui ont les organes moins délicats ; c’est-à-dire, en d’autres termes, que cette plus petite différence est toujours la même fraction du ton le plus bas. Or, d’après Weber, la plus petite différence que l’œil puisse saisir entre deux lignes presque égales équivaut toujours à 1/50 environ de la’plus courte de ces lignes, qu’elles mesurent d’ailleurs des centimètres ou des décimètres ; et de même pour qu’un poids soit jugé supérieur à un autre, il faut qu’il surpasse celui-ci soit de 1/30, ou de 1/50, suivant les individus. Il en avait conclu par généralisation que, dans la comparaison des sensations ou des forces, l’âme ne tenait aucun compte de leur grandeur absolue, mais simplement de leur grandeur relative. Ce résultat capital peut s’exprimer par la formule suivante : La plus petite différence perceptible entre deux excitations de même nature est toujours due à une différence réelle, qui croît proportionnellement avec ces excitations mêmes.

C’est de cette proposition, qui seule appartient proprement à Weber, que Fechner tira la fameuse loi à laquelle il donna le nom de Weber, mais qui devrait à plus juste titre porter son propre nom. Fechner crut pouvoir tirer des recherches de son prédécesseur la conclusion suivante : Pour que la sensation croisse de quantités toujours égales, il faut que l’excitation extérieure croisse de quantités toujours proportionnelles à cette excitation même. Si, par exemple, une sensation d’une valeur égale à 4, produite par une excitation égale à 27, exige, pour devenir égale à 5, que l’excitation 27 croisse de 9, c’est-à-dire, du tiers, et devienne 36, il sera nécessaire, pour qu’elle reçoive un nouvel accroissement égal et devienne 6, que l’excitation 36 croisse encore du tiers, c’est-à-dire, cette fois-ci, de 12, et devienne ainsi 48 ; et, en continuant, pour que la sensation devienne 7, l’excitation nouvelle devra être de 48 + 48/3 = 64 ; et ainsi de suite.

Comme on le voit, si l’on veut donner à la sensation des accroisse-