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LA LOI PSYCHO-PHYSIQUE
HERING CONTRE FECHNER

Introduction historique

Je ne sais s’il y a pour l’homme un sentiment plus pénible que de voir un vaste édifice élevé par ses soins au prix des plus grands efforts, et destiné à être son principal titre de gloire devant la postérité, s’écrouler un beau jour sous ses yeux, faute de fondements assez solides. Et cependant, tel est le sort réservé à bien des œuvres humaines. C’est surtout dans le domaine philosophique et scientifique que l’histoire enregistre souvent de semblables déceptions. La route du savoir humain est jonchée de ruines. Ces amères réflexions ont dû sans doute se présenter à l’esprit de l’illustre Fechner, quand il a vu l’un do ses disciples, l’un de ses admirateurs, battre en brèche et démolir pierre à pierre le monument grandiose qu’il avait construit à l’aide des matériaux rassemblés par ses patientes recherches. Ce n’était sans doute pas la première fois que son œuvre était exposée aux attaques d’adversaires redoutables, mais aucun jusqu’ici n’avait conduit le siège avec tant d’art ni porté des coups aussi sûrs. Une circonstance ajoute à la ruine un caractère particulièrement désastreux, c’est que la psychophysique de Fechner était avant tout une œuvre de science positive et expérimentale. Or les systèmes de cette nature tombent généralement tout d’une pièce, et les débris en sont même inutiles. Les spéculations autrefois retentissantes et aujourd’hui démodées des Schelling et des Hegel ont au moins cet avantage que l’histoire de la philosophie en tient note, et qu’elles comptent encore par-ci par-là des partisans ou tout au moins des continuateurs. Mais que deviennent les hypothèses scientifiques reconnues fausses ? elles disparaissent presque toujours dans un profond oubli sans laisser plus de traces que les neiges d’antan.

Les lecteurs de cette Revue doivent savoir déjà que l’éternelle question des rapports de l’âme et du corps, qui, jusque dans ces derniers temps, appartenait au domaine de la philosophie pure, fut enfin revendiquée par les sciences expérimentales comme pouvant