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tème planétaire, et aboutit ainsi à des conclusions bien mieux fondées.

Son hypothèse que le système solaire n’était à l’origine qu’une nébuleuse, qui s’est condensée insensiblement vers le centre par l’effet de la gravitation de ses parties, implique la supposition que le système a commencé dans le temps. Laplace semble bien admettre aussi que la masse de la matière est finie, puisqu’elle a un point central. Le soleil, selon lui, accomplit un premier mouvement de rotation autour du centre de gravité de la nébuleuse, à laquelle il appartient, et en exécute un second, avec cette nébuleuse, autour du centre de gravité de l’univers, que Laplace incline à considérer comme illimité. — Mais Laplace veut aussi prouver que, si l’ordre de notre système planétaire a eu un commencement, en revanche il n’aura pas de fin. C’est à cette démonstration qu’il consacre le plus important travail de sa vie, le calcul des perturbations des planètes. Il essaie d’établir son grand principe de la stabilité du système solaire, en montrant que les vibrations de tout le système oscillent autour d’un certain milieu. « Le principe de stabilité, introduit par Laplace, fournit un exemple frappant de la manière dont la nature inorganique réussit à réaliser par des moyens purement mécaniques des effets, que nous ne croyons pouvoir juger sans leur appliquer notre concept de la finalité. » — Dans ces derniers temps, la portée du principe de stabilité a été singulièrement restreinte par les données de l’observation astronomique. Laplace regardait le système planétaire comme un perpetuum mobile. Mais il lui fallait, pour cela, soutenir que l’espace est absolument vide ; que les planètes s’y meuvent sans rencontrer aucune résistance ; et que ces planètes sont des corps entièrement opaques. Or, les récentes théories sur l’existence d’un éther lumineux et sur celles d’une enveloppe liquide et gazeuse autour des planètes contredisent la double assertion de Laplace. — Robert Mayer a entrepris de défendre autrement le principe de stabilité, en essayant de prouver la possibilité d’une durée infinie pour le rayonnement calorique et lumineux du soleil, auquel est évidemment attachée la conservation de notre système planétaire sous sa forme actuelle.

3e cas. — Mais Clausius et Thomson, s’appuyant sur le deuxième grand principe de la théorie mécanique de la chaleur, et combinant avec leur théorie du maximum de l’Entropie le principe de la constance de l’énergie, aboutissent à cette conclusion que « le développement de l’univers se déroule entre un point de départ et un point d’arrivée, qui tous deux sont placés dans le temps. » Selon ces physiciens, « l’état total de l’univers tend sans cesse à une limite, où toutes les transformations des forces naturelles auront cessé, parce qu’un état de mouvement parfaitement uniforme se sera produit. » Cette stabilité parfaite, que rêvait Laplace, et qu’il croyait déjà réalisée dans l’état actuel du monde, ne se rencontrera donc que dans l’avenir, mais avec un caractère tout différent de celui qu’il lui prêtait. Cet état d’équilibre parfait, ce sera l’état de mort pour l’univers. Les théoriciens de la thermodynamique soutiennent donc, sous sa forme radicale, l’hypothèse qui envisage le monde comme