Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
173
g. compayré. — les principes de l'éducation.

applications aux arts, la mécanique, par son rapport avec des industries où tant de choses sont faites par les machines ; la physique et la chimie, par les connaissances qu’elles fournissent sur la matière et ses propriétés ; les sciences sociales elles-mêmes soit à cause des relations du commerce avec la politique, soit pour d’autres raisons encore ; toutes les sciences enfin concourent à développer l’habileté, la prudence de l’homme qui est engagé dans un métier, dans une profession quelconque. Rien ne doit être livré au hasard ou à l’empirisme : pas plus la direction de l’industrie et la recherche de la fortune que la conduite morale de nos actions. M. Spencer se rencontre ici avec beaucoup de penseurs modernes qui demandent comme lui qu’on initie aux sciences les plus élevées même les hommes voués par état à des travaux purement mécaniques[1].

Un point, où l’originalité de pensée de M. Spencer se marque avec plus d’éclat, et qu’il développe avec une vivacité éloquente, c’est la nécessité d’éclairer les parents et tout particulièrement les mères sur leurs devoirs, de les mettre en état de gouverner l’éducation de leurs enfants, en leur enseignant les lois naturelles de l’esprit et du corps. « N’est-il pas monstrueux que le destin des générations nouvelles soit abandonné au hasard de la routine, de la fantaisie, aux inspirations des nourrices ignorantes et aux préjugés des grand’mères ? L’instruction la meilleure, même chez les privilégiés de la fortune, n’est guère, dans l’état actuel des choses, qu’une instruction de célibataires. Les parents ignorent la psychologie comme la physiologie : ils devraient connaître l’une et l’autre. On répète sans cesse que la vocation de la femme est d’élever ses enfants, et on ne lui apprend rien de ce qu’il lui faudrait savoir pour remplir dignement cette grande tâche. Ignorante, comme elle l’est, des lois de la vie et des phénomènes de l’âme, ne sachant rien de la nature des émotions morales ni des causes des désordres physiques, son intervention est souvent plus désastreuse que ne le serait son inaction absolue.

Condorcet disait énergiquement que l’éducation morale du peuple consisterait à mettre partout l’idée à la place de la sensation. On pourrait résumer d’une façon analogue la pensée de M. Spencer, en disant que l’éducation en général consiste à mettre la science à la place de l’instinct. L’activité sociale et politique, elle aussi, a besoin d’être éclairée par la science, par l’histoire ; non pas l’histoire cependant telle qu’on l’enseigne ordinairement dans les collèges, avec une multitude de faits indifférents et inutiles parce qu’ils sont inorganisables : mais l’histoire telle qu’il est permis de la concevoir, inter-

  1. Voir la Revue Positive, Articles deM. Robin sur l’Éducation.