Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, III.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
172
revue philosophique

Il est facile maintenant de comprendre les devoirs de l’éducation. Conformant ses efforts à la nature, distribuant ses leçons d’après la division même des fonctions humaines, elle recherchera les connaissances les plus propres à faire de l’élève d’abord un homme sain et bien portant, et, selon les fortes expressions de M. Spencer, un robuste animal ; puis un industriel, un ouvrier, un homme enfin capable de gagner sa vie ; ensuite elle le formera pour la famille et la cité, en le dotant de toutes les vertus domestiques et civiques ; enfin elle lui ouvrira le brillant domaine de l’art sous toutes ses formes.

Une fois qu’on a ainsi divisé la vie humaine en un certain nombre d’étages superposés que l’éducation doit nous apprendre à gravir tour à tour, il s’agit de savoir quels sont les principes et les faits dont la connaissance correspond à chacun de ces degrés d’activité. À cette question M. Spencer répond qu’à tous les degrés du développement de l’homme, ce qui est surtout nécessaire, ce qui est le fond de l’éducation, c’est la science.

C’est dans la première partie de l’éducation, celle qui a pour objet la conservation de nous-même, que la science est le moins utile. L’éducation sur ce point peut être en grande partie négative, parce que la nature s’est chargée de nous conduire elle-même à notre but. Les instincts sont comme des guides naturels qui nous mettent à l’abri des dangers du dehors ou des maux du dedans. L’enfant crie à la vue d’un étranger ; il se jette dans les bras de sa mère à la moindre douleur. Cependant, à mesure qu’il grandit, l’homme a de plus en plus besoin de la science, et rien que pour garantir sa santé il ne saurait se passer de l’hygiène et de la physiologie. Par là il évitera toutes ces petites imprudences, toutes ces fautes physiques qui abrègent la vie ou préparent des infirmités à la vieillesse. Par là il diminuera l’écart si considérable qui existe entre la vie possible et la vie réelle. Vérités évidentes, et cependant trop méconnues ! « Combien de savants, s’écrie M. Spencer, qui rougiraient si on les surprenait prononçant Iphigénée au lieu de Iphigénie, et qui ne montrent aucun regret d’ignorer, par exemple, ce que sont les trompes d’Eustache, quelles fonctions remplit le cordon spinal ! »

Relativement aux activités qu’on pourrait appeler lucratives, et au genre d’instruction qu’elles exigent, M. Spencer démontre encore l’utilité de la science. Il sait combien dans la société moderne on est disposé à favoriser l’instruction professionnelle, industrielle ; mais il juge, non sans raison, qu’on ne se comporte pas comme il faudrait pour réussir complètement dans cette voie. Toutes les sciences, sauf les sciences abstraites, les mathématiques par leurs