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mettre que l’événement cérébral et l’événement mental ne sont au fond qu’un seul et même événement sous deux faces, l’une mentale, l’autre physique, l’une accessible à la conscience, l’autre accessible aux sens.

V. — Quelle est la valeur de chacun des deux points de vue, et que faut-il en défalquer pour dégager la vraie nature de l’événement ? Nous sommes arrivés ici au point de jonction du monde moral et du monde physique. C’est d’ici que partent les deux lignes opposées et indéfinies où chemine l’expérience humaine ; les deux convois ainsi formés avancent et s’écartent toujours davantage en se chargeant de plus en plus à chaque station. On voit par là l’importance de l’événement central ; quel qu’il soit, il communique son caractère au reste. Or, des deux points de vue par lesquels nous l’atteignons, l’un, qui est la conscience, est direct : connaître une sensation par la conscience, c’est avoir présente son image qui est la même sensation réviviscente. Au contraire, l’autre point de vue, qui est la perception extérieure, est indirect : il ne nous renseigne en rien sur les caractères propres de son objet ; il nous renseigne simplement sur une certaine classe de ses effets. L’objet ne nous est pas montré directement, il nous est désigné indirectement par le groupe de sensations qu’il éveille ou éveillerait en nous. En lui-même, cet objet physique et sensible nous demeure tout-à-fait inconnu ; tout ce que nous savons de lui, c’est le groupe de sensations qu’il provoque en nous. Tout ce que nous savons des molécules cérébrales, ce sont les sensations de couleur grisâtre, de consistance mollasse, de forme, de volume, et autres analogues que, directement, ou à travers le microscope, à l’état brut ou après une préparation, ces molécules suscitent en nous, c’est-à-dire leurs effets constants sur nous, leurs accompagnements fixes, leurs signes, rien que des signes, des signes et indices d’inconnues. — Il y a donc une grande différence entre les deux points de vue. Par la conscience, j’atteins le fait en lui-même ; par les sens, je n’atteins qu’un signe. Un signe de quoi ? Qu’est-ce qui est constamment accompagné, dénoté, signifié par le mouvement intestin des centres nerveux ? Nous l’avons montré plus haut en exposant les conditions des sensations et des images : c’est la sensation, c’est l’image, c’est l’événement mental interne. Dès lors tout s’accorde. Cet événement montai qu’atteint directement la conscience ne peut être atteint qu’indirectement par les sens ; les sens ne savent de lui que ses effets sur eux ; c’est pour cela qu’ils nous le font concevoir comme un mouvement intestin de cellules grisâtres ; comme il n’agit sur eux que par le dehors, il ne peut aller leur apparaître que comme extérieur et physique. Voilà une confirmation directe et notable de