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intellectuel que sa continuation, après l’achèvement de la formation organique. Relativement aux lois de la nature, il faut se rappeler que toutes les sciences naturelles visent à se résoudre dans la mécanique de l’atome et que cette mécanique n’est autre chose que les mathématiques appliquées au temps, à l’espace et au mouvement, c’est-à-dire n’est que de la logique spéciale appliquée. Les lois de la nature sont donc incontestablement des lois logiques, et comme elles déterminent le processus total de la nature, ce dernier doit aussi être regardé comme déterminé logiquement.

En effet Bahnsen ne voudra pas contester cette conclusion ; il s’efforcera seulement de limiter le domaine de la téléologie et des lois de la nature, et en conséquence le domaine du logique au devenir, autant que celui-ci procède de l’action combinée et de la réaction des individus l’un contre l’autre ; il tentera de soustraire à leur domination les phénomènes psychiques dans l’intérieur des âmes individuelles. Mais relativement à ce dernier devenir il faut encore séparer le domaine de la logique subjective de la sphère de la volonté ; Bahnsen pourrait seulement chercher à maintenir la doctrine de la dialectique réelle pour les luttes des désirs dans le ressort de cette sphère[1]. Toutes les relations entre les individus seraient ainsi soumises à la logique objective, toutes les pensées libres de la volonté à la logique subjective ; néanmoins la lutte psychique de la séparation et de la scission intérieures de la volonté continuerait d’être déchaînée dans le ressort de toutes les monades, au mépris du logique et pour notre propre tourment éternel.

Mais, même avec cette restriction, la lutte des désirs dans le domaine de l’âme individuelle ne pourrait avoir aucun caractère réaldialectique, si l’on prend ce mot dans le sens d’antilogique, puisque même en ce cas les observations générales faites plus haut conserveraient toute leur valeur. D’ailleurs, il est facile de reconnaître qu’il n’existe aucune délimitation exacte entre le processus des individus dans leurs relations mutuelles et le processus s’accomplissant dans l’intérieur de ces individus, que le second est conditionné par le premier et que pour cette raison il tombe lui-même dans le domaine de la logique. L’opposition entre les désirs naît conformément à la loi de la motivation, mais celle-ci est une loi logique de la nature aussi bien que celle de la causalité ou du parallélogramme des forces. Les motifs sont en partie des perceptions, en partie des représentations de la mémoire, c’est-à-dire des résidus normaux d’anciennes perceptions, en partie aussi des résultats de processus mentaux

  1. C’est vers cet expédient que penche un traité qui n’a pas encore été publié, mais que l’auteur m’a permis de parcourir privatim.