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laire ou fibreuse, de petits points tremblottants ; c’est enfin, si l’on va plus loin, combiner intérieurement les noms de mouvement, vitesse, et masse, qui désignent des collections et des extraits de sensations musculaires et tactiles. — En somme, la première représentation équivalent à son objet ; la seconde, au groupe de sensations qu’éveillerait en nous son objet. Or, on ne peut concevoir des procédés de formation plus dissemblables. Tout à l’heure, de sens à sens, les deux représentations arrivaient en nous par deux chemins différents, mais tous deux extérieurs, en sorte que rien ne les empêchait de partir tous deux de quelque point commun. Ici les deux représentations arrivent par deux chemins opposés, l’une du dedans, l’autre du dehors, tellement que ces chemins demeurent perpétuellement divergents et que nous ne pouvons leur concevoir un même point de départ. — Ainsi l’opposition foncière des deux procédés de formation, suffit à expliquer l’irréductibilité mutuelle des deux représentations. Un même et unique événement, connu par ces deux voies, paraîtra double, et, quel que soit le lien que l’expérience établisse entre ses deux apparences, on ne pourra jamais les convertir l’une dans l’autre. Selon que la représentation viendra du dehors ou du dedans, il apparaîtra toujours comme un dehors, ou comme un dedans, sans que jamais nous puissions faire rentrer le dehors dans le dedans, ni le dedans dans le dehors.

IV. — Il se peut donc que la sensation et le mouvement intestin des centres nerveux ne soient au fond qu’un même et unique événement, condamné, par les deux façons dont il est connu, à paraître toujours et irrémédiablement double. Un autre ordre de raisons conduit à une conclusion semblable. En effet, on a vu que nos sensations ne sont que des totaux composés de sensations élémentaires, celles-ci de même, et ainsi de suite ; qu’à chacun de ces degrés de composition le total se présente à nous avec un aspect tout autre que celui de ses éléments, que par conséquent plus ses éléments sont simples et reculés loin des prises de la conscience, plus ils doivent différer pour nous du total accessible à la conscience, en sorte que l’aspect des éléments infinitésimaux au bas de l’échelle et celui de la sensation totale au sommet de l’échelle doivent différer du tout. Or, tel est l’aspect des mouvements moléculaires comparé à celui de la sensation totale. Pourtant rien n’empêche que les mouvements moléculaires ne soient les éléments infinitésimaux de la sensation totale. — Ainsi l’objection fondamentale est levée. Si nos deux conceptions de l’événement mental et de l’événement cérébral sont irréductibles entre elles, cela peut tenir sans doute à ce que les deux événements sont en effet irréductibles entre eux, mais cela