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ANALYSESbasevi. — Scienza della Divinazione.

même eût-il été bon de dire, si la chose est possible, de quelle façon Dieu communique à la molécule inconsciente les « croyances » qui la déterminent à s’unir plutôt à telle molécule qu’à telle autre, à prendre dans le cristal telle place plutôt que telle autre.

L’hypothèse acquiert quelque degré de probabilité, quand elle s’applique à l’instinct de l’animal. L’instinct maternel de certains insectes qui pourvoient d’une nourriture différente de la leur des larves qu’elles ne verront pas éclore, suppose en effet un pressentiment de la naissance et des besoins de ces larves. De quelle nature est ce pressentiment, quelle idée exacte convient-il de s’en faire, par quel enchaînement de phénomènes est-il né dans la conscience de l’insecte, c’est ce que la science cherche, mais ce que M. Basevi ne se demande même pas. En pareille matière cependant les plus heureuses métaphores ne peuvent passer pour des solutions. C’est le détail des causes qui importe ; il est vrai qu’à le poursuivre la tâche est ingrate. Il est beaucoup plus simple d’inventer un mot, un seul mot qu’on répète, toujours le même, qu’il s’agisse de l’instinct de l’abeille ou de la loi des proportions définies, et qui comme le sans dot ! répond à toutes les difficultés.

M. Basevi est plus heureux dans sa philosophie de l’esprit que dans sa philosophie de la nature. Sa thèse générale est que la science humaine débute nécessairement par la croyance et repose en dernière analyse sur elle. La pensée se trouve en harmonie avec l’univers, non par un travail réfléchi, non par un effort logique, mais grâce à une préordination antérieure à tout raisonnement. Dieu lui fournit en la formant les éléments essentiels de cette adaptation, c’est-à-dire les notions fondamentales par lesquelles elle devine le monde pour ainsi dire avant de le connaître : sans quoi elle resterait en éternelle dissonnance avec les choses. C’est de ce point de vue que l’auteur examine successivement les différentes facultés de l’intelligence. Il remarque avec raison que notre connaissance est constituée même dans ses affirmations les plus simples par des rapports, qui ne peuvent être empruntés directement aux objets entre lesquels ces rapports sont établis. Par exemple la perception sensible suppose la notion de l’étendue ; or, le continu de l’espace n’est pas une chose en soi, il s’évanouit à l’analyse en rapports idéaux ; voulons-nous le connaître scientifiquement, essayons-nous de liens en rendre compte, il se résout en contradictions sans fin. Les notions des sens résistent de même à l’analyse ; il n’y a pas de raison qui explique pourquoi le vert est vert, et ainsi des autres notions que Locke appelait simples. Aussi M. Basevi souscrit-il à la conclusion de Spencer que « les idées ultimes de la science sont toutes représentatives de réalités incompréhensibles. » Avec Spencer aussi, mais cette fois sans le nommer, il nous montre dans la croyance à l’existence du non-moi, la racine de toutes nos autres croyances, le point de. départ de l’activité intellectuelle, la condition même de la conscience. Or la croyance à l’existence de la chose extérieure ne saurait se démontrer, car toute comparaison, toute dis-