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tervention de formes inhérentes à la pensée dans toutes les données de l’observation. Il prouve ainsi que l’action exercée du dehors par les objets de l’expérience n’est qu’un seul des éléments du fait de la connaissance, fait toujours double dans ses origines. Dans l’état actuel de l’analyse psychologique et métaphysique, il est facile de maintenir cette vérité contre toute tentative de monisme. Cette vue est juste mais insuffisante. On ne peut pas, en effet, expliquer l’origine de notre savoir par la simple addition de l’expérience et de la raison, parce que ni l’expérience, ni la raison, ni leur mélange, ne peuvent nous fournir la connaissance des théorèmes mathématiques, des lois et des causes. L’empirisme oublie la raison ; le rationalisme oublie l’expérience ; l’un et l’autre méconnaissent la spontanéité de la pensée individuelle dans la découverte des principes d’explication qui ne sont l’expression immédiate, ni des faits, ni des lois à priori de la pensée. L’esprit humain ne parvient pas à la vérité en marchant, sans quitter le sol, dans les voies de l’induction ou de la déduction ; il faut qu’il use de ses ailes pour se poser sur des sommets auxquels aucun sentier ne conduit. Telle est la vertu propre de l’hypothèse. Aristote a rédigé la logique de la déduction. La logique de l’induction a été fort avancée par les modernes. La logique de l’hypothèse est à faire. Sa première tâche est de reconnaître la place de l’acte de supposer dans la construction de la science. Nous allons marquer cette place, en développant les indications contenues dans les considérations qui précèdent.


Commençons par les mathématiques qui offrent le meilleur type des sciences de raisonnement. Il n’existe pas en mathématiques, comme dans les sciences physiques et naturelles, des conjectures auxquelles on accorde un degré plus ou moins grand de probabilité. Dès qu’un théorème est démontré, il prend sa place, comme nous l’avons dit, au nombre des vérités certaines. On peut dire en ce sens que, par opposition aux sciences de faits, les mathématiques ne renferment pas d’hypothèses. La théorie des ondulations lumineuses par exemple, bien qu’elle paraisse solidement établie, peut être révoquée en doute, sans qu’on méconnaisse pour cela les lois et les droits de la raison. Une proposition de géométrie, si elle est valablement démontrée, ne peut être l’objet d’un doute, sans que ce doute porte sur la valeur de l’intelligence même. Cela est vrai ; mais les théorèmes mathématiques sont des hypothèses au moment de leur apparition. Il faut qu’ils soient conçus avant d’être démontrés, et lorsqu’ils sont conçus sans être encore démontrés, ils ont le caractère de simples suppositions. Voyons bien ce qui se passe : À l’occa-