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analyses. — papillon. Histoire de la philosophie.

des ressources d’esprit infinies, une puissance de travail extraordinaire. Personne jusqu’ici n’avait osé l’entreprendre et F. Papillon l’avait commencée peut-être avec la témérité, certainement avec la confiante ardeur de la jeunesse.

Il est vrai que bien des obstacles insurmontables pour d’autres n’existaient pas pour lui. Toutes les études conduisent à la philosophie. Mais, tandis que la plupart des hommes y arrivent par les lettres, il y était arrivé par les sciences, qu’il avait étudiées, dès son enfance, avec une curiosité passionnée. Aussi, ce n’était pas une place étroite qu’il entendait réserver aux sciences dans ses spéculations historiques et philosophiques. Il croyait fermement que les grandes découvertes dans les sciences et les grands systèmes dans la philosophie sont filles de la même inspiration. Mais cette inspiration, unique au fond, peut recevoir des formes variées. C’est dans l’analyse délicate, dans la description précise de ces formes que Papillon a cherché l’idée générale qui devait lui fournir la division de son travail. Il y a là une vue philosophique très-originale qui mérite à tous égards de fixer l’attention.

Dans toute l’histoire de la philosophie, ce qu’il y a de plus difficile, c’est de découvrir un principe sur lequel on puisse fonder une classification naturelle des systèmes. La plupart des auteurs n’aperçoivent même pas la difficulté. Préoccupés d’une question particulière, ils s’y attachent absolument et présentent comme naturelle la classification la plus arbitraire. Ainsi, que l’on considère uniquement le système du monde, il semblera tout simple d’opposer Newton à Descartes, car le système de l’attraction a détruit et remplacé le système des tourbillons ; mais au contraire, que l’on s’attache au développement des mathématiques pures, il faudra faire de Newton le disciple et le continuateur de Descartes, car le calcul des fluxions est un développement de l’algèbre appliquée à la géométrie des lignes courbes ; considérez-vous la question de l’origine des idées, Locke et Condillac appartiennent à la même école, car tous deux sont sensualistes ; considérez-vous la question de l’âme, vous opposerez Locke à Condillac, car Condillac est spiritualiste et Locke déclare insoluble la question de la nature de lame. Mais si cette difficulté est grande dans la philosophie pure, que ne devient-elle pas quand il faut joindre à la philosophie la science avec la variétée infinie des objets qu’elle considère et des méthodes qu’elle emploie ?

Papillon a bien compris que, si la réalité des choses n’a de limites ni dans le nombre des questions qu’elle pose, ni dans celui des objets qu’elle propose à l’investigation, l’esprit humain obéit dans toutes ses opérations à un petit nombre de lois simples. Ce n’est donc pas dans l’étude de la nature mais dans l’étude de l’esprit qu’il a cherché le principe de classification et d’unité dont il avait besoin. Il détermine les caractères de trois grandes familles naturelles d’esprits : la première est celle des purs observateurs ; ceux-là s’attachent uniquement