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circonvolutions cérébrales, les différences résultant du développement relatif des diverses parties du cerveau chez les animaux supérieurs et inférieurs, chez les hommes, les quadrupèdes, les oiseaux, les poissons. Après avoir noté les différences de forme et de quantité, il insiste tout particulièrement sur la qualité de la substance cérébrale et il entre dans des détails d’anatomie pathologique touchant la coloration et le ramollissement des « stries » du cerveau chez les imbéciles, les fous, les paralytiques et les enfants, a Les vices de leur cerveau, dit-il en parlant des fous, ne se dérobent pas toujours à nos recherches. » Il est évident que La Mettrie n’admettait point de trouble fonctionnel de l’intelligence sans lésions matérielles.

Qu’était l’homme quand il ne parlait pas encore ? Un animal qui était ail singe ce que celui-ci est aux autres animaux. Le langage seul distingue l’homme du singe. Or, comme le mécanisme du langage n’est pas particulier à l’homme, La Mettrie aurait voulu — et c’est là une des idées fixes qui ne l’ont jamais quitté — qu’on essayât d’apprendre à parler à un anthropoïde d’après la méthode alors appliquée par Amman à l’enseignement des sourds-muets. Toute connaissance se laissant ramener à des signes ou symboles comme éléments constitutifs, dès que les signes des choses pénètrent en nous par les sens, le cerveau les compare et observe leurs rapports avec la même nécessité que voit l’œil bien organisé. Toutes nos idées sont donc liées aux mots. De là, je le répète, l’infériorité des animaux. À ceux qui soutiennent que l’homme diffère encore des bêtes par la connaissance qu’il possède du bien et du mal moral, La Mettrie objecte que pour décider si les animaux qui ne parlent point ont reçu la loi naturelle, il faut s’en rapporter à ces signes sensibles et extérieurs que l’on observe chez les hommes dans des circonstances analogues. Or, le chien qui a mordu son maître qui l’agaçait paraît bien s’en repentir le moment suivant : on le voit triste, fâché, humilié et rampant. C’est exactement la conduite que tiendrait un enfant dans les mêmes conjonctures. Si l’on admet que l’enfant se repent, il faut nécessairement que l’animal soit dans le même cas. Alors que devient la loi morale ?

Cette loi morale subit aussi d’étranges éclipses chez certains malades qui ne peuvent s’empêcher de voler, par exemple, pendant la grossesse, qui égorgent leurs enfants, etc. La boulimie peut éteindre tout sentiment humain : ce n’est, dit La Mettrie, qu’une manie d’estomac qu’on est forcé de satisfaire. Cependant, parmi ces femmes malades dont il rappelle le cas, l’une a été rouée et brûlée, l’autre enterrée vive. Devant de tels crimes commis au nom de la loi, La Mettrie s’émeut et s’indigne. « Ici encore, a