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naville. — hypothèse dans la science

fait à un autre fait que dans un cas particulier, il n’y aurait pas de physique. Si la science ne pouvait émettre aucune thèse applicable à des espèces, et devait considérer isolément chaque individu végétal ou animal, l’histoire naturelle serait à jamais impossible. Toute observation scientifique suppose la constance des classes et des lois de la nature, de telle sorte que dans un fait on étudie tout un ensemble des faits supposés identiques. Aristote le remarque déjà. « Il n’y a pas de science du particulier. » La constatation des faits, qui est la base première de toute science, suppose donc indivisiblement l’observation qui perçoit un phénomène et l’induction qui le généralise.

La vérification établit seule la valeur des hypothèses, car l’esprit humain peut se livrer à une foule de conjectures sans fondement. Les hypothèses peuvent devenir, selon le résultat du contrôle opéré sur elles, des vérités certaines, des erreurs certaines ou des affirmations probables à divers degrés. Ici intervient une différence essentielle entre les sciences mathématiques, dont le caractère est spécialement rationnel, et les sciences physiques et naturelles dont le caractère est expérimental. La différence ne naît pas de la méthode dans son ensemble, qui demeure la même dans tous les cas, mais de la nature de l’observation et du procédé de vérification. L’égalité des trois angles d’un triangle à deux droits n’a pu être qu’une hypothèse dans l’esprit du premier géomètre qui a fait cette découverte. La supposition a été logiquement rattachée aux axiomes et aux théorèmes antérieurs, c’est-à-dire que la supposition s’est trouvée conforme aux résultats d’une déduction certaine ; dès lors elle est entrée dans la science à titre de vérité. Les mathématiques ont toujours ce caractère. La vérification des hypothèses consiste dans une démonstration immédiate et complète, qui donne aux propositions démontrées le caractère de vérités nécessaires pour notre pensée.

La vérification d’une hypothèse physique se présente dans d’autres conditions. Une loi étant supposée, on ne la rattache pas par une marche ascendante de la pensée, à des vérités antérieurement établies. On en déduit les conséquences ; ces conséquences sont comparées aux données de l’observation, et l’hypothèse a une valeur qui dépend du degré d’explication des phénomènes qu’elle fournit. Par exemple, la loi de la réflexion de la lumière étant supposée, elle est démontrée vraie, parce que l’observation établit que l’angle de réflexion est égal à l’angle d’incidence. Pour une loi simple comme celle-là, la confirmation est immédiate et complète. Dans d’autres cas, l’hypothèse donne lieu à une déduction plus ou moins compliquée. L’ensemble de ses conséquences constitue un système. Ce sys-