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Par conséquent, affirmer que la raison humaine postule l’infaillibilité d’une intelligence humaine supérieure à la raison c’est énoncer un jugement récurrent qui implique contradiction.

Supposons notre démonstration exacte : qui ne voit que le travail principal a consisté à poser les équations ? Celles-ci trouvées, l’algorithmie a pu permettre d’effectuer un peu rapidement certaines transformations, par exemple, celle de (5) en (6) ; mais, si l’on n’avait pas écrit l’équation (4), tout le raisonnement était arrêté. De plus il a encore fallu faire un choix parmi les transformations possibles et les éliminations, et dans ce choix l’algorithmie n’était pour rien. De sorte qu’au total les services pratiques que l’algorithmie a rendus sont de chétive importance. C’est comme si, pour effectuer l’opération 6 X 7, on recourait à la table des logarithmes.

Mais il ne faut pas perdre de vue que, sous ce rapport, son sort est intimement lié à celui de la logique formelle déductive. Si l’algorithmie logique n’a pas d’utilité pratique, la logique formelle d’Aristote et de Kant n’en a pas davantage ; on peut même dire qu’elle en a beaucoup moins, puisque, ainsi que nous l’avons vu, elle contient des erreurs considérables, malgré la valeur qu’elle s’attribue (cf. Première partie, V).

III. De l’origine de l’erreur.

Mais l’algorithmie, entre autres avantages théoriques, nous donne la clef de la solution d’une question très-grave qui nous reste à résoudre. Comment l’erreur a-t-elle pu se glisser dans une pareille science ? En quoi consiste l’erreur ? Si l’erreur a sa raison d’être, est-elle encore l’erreur ?

L’erreur consiste à n’accorder aucune existence à l’inconnu, en d’autres termes, à poser comme nul ou n’existant pas ce que l’on ne connaît pas. Telle est la définition et en même temps la cause de l’erreur (cf. Troisième partie, jugements récurrents, IV). Elle consiste, pour employer les formules, à poser, au lieu d’une équation qui doit renfermer des x ou des y, une équation qui ne les contient pas. L’erreur, en un mot, a sa source dans une vue inconsciemment incomplète des choses.

De là vient qu’un raisonnement erroné peut être juste ; seulement il n’est pas conforme à la réalité. La méthode à suivre doit donc être de s’assurer, avant de poser une équation, qu’il n’y a pas une inconnue échappant pour le moment aux regards et devant donner à l’équation sa vraie physionomie. L’erreur provient d’un excès de