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analyses. — hazard. Deux lettres à Stuart Mill.

cette confusion mènerait à dire que l’obscurité est cause de la lumière. En somme tous les cas réels de causalité peuvent se ramener à l’esprit qui agit sur lui-même et à la matière en mouvement.

Nous passerons rapidement sur la longue discussion où M. Hasard, avec une rigueur plus apparente que réelle, reprend les arguments bien connus que l’on a souvent opposés au philosophe anglais. Mais nous appelons l’attention de nos lecteurs sur une série d’objections ingénieuses où l’auteur examine, à un point de vue original, la doctrine de M. Mill, et que nous allons résumer brièvement.

Si, comme le prétend M. Mill, la cause d’un phénomène n’était que la somme de tous ses antécédents, comme cette somme, dit M. Hazard, est la même pour tous les points de l’espace, les effets devraient aussi être partout semblables. Comme la totalité du passé est partout adéquate à elle-même et pèse partout de la même manière sur l’avenir vide et par conséquent homogène, il s’ensuit que les conséquences de ce passé, les phénomènes doivent être partout les mêmes. De plus, puisque la totalité du passé détermine comme cause productive un effet, chaque effet vient s’ajouter à la cause commune et universelle et cette cause ne pourra plus jamais reproduire une seconde fois le même effet puisqu’elle-même aura été modifiée et augmentée. — Ce n’est pas tout, s’il arrivait que la cause fût insuffisante pour amener un nouveau phénomène, tant qu’aucun changement ne la modifierait, elle ne pourrait produire que des effets insuffisants, ce qui serait précisément la fin de tout changement. On tournerait ainsi dans un cercle vicieux ; car le défaut d’effet ne saurait être un événement capable par sa propre force d’introduire dans le monde un nouvel élément d’action, et de changer une cause insuffisante en une autre suffisante pour produire un effet. — En somme si l’on considère le passé comme un tout, il ne peut se produire une seconde fois et par suite jamais la même cause ne reparaîtra et n’agira deux fois dans l’univers. L’hypothèse qui fait découler les effets de même ordre de sources différentes sert à résoudre, il est vrai, quelques difficultés, mais non toutes : elle suppose que, dès l’origine, il y ait eu un grand nombre de causes diverses, ce qui est contraire à la loi de l’économie des forces naturelles.

Nous n’avons pas l’intention ici d’examiner en détail cette métaphysique subtile, plus ou moins contestable. Quoi qu’on en pense, il faut louer M. Hazard d’avoir envisagé sous cette face nouvelle la doctrine de J. Stuart Mill sur la causalité, et d’avoir montré que ce n’est pas seulement au point de vue psychologique qu’elle soulève des difficultés.

M. Hazard termine sa première lettre en affirmant l’existence de causes, principes d’action sans lesquels rien de réel ne serait explicable. Il part de cette conclusion pour étudier dans une seconde lettre la question de l’existence et de la nature des causes libres.

Voici d’abord la définition de la liberté. Toute chose qui se meut ou agit, tout ce qui est en mouvement ou en activité, doit être le propre principe de son mouvement, ou trouver ce principe en une autre chose.