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analyses. — l. carrau. La morale utilitaire

même de ces prétendus préjugés, dont ils recherchent, en savants, l’origine expérimentale. Ils oublient que la logique populaire est souvent plus rigoureuse que celle des logiciens de profession, et ne s’aperçoivent pas que de leurs principes, purement théoriques à leurs yeux, on ne manquerait pas de tirer à l’occasion plus d’une conséquence funeste. Un pareil danger n’est pas à redouter d’une théorie, même imparfaite comme celle que nous avons étudiée. Les défauts, que nous avons signalés, frapperont assurément moins les lecteurs que les belles et profondes considération ? morales où ils se trouvent mêlés.

Cependant, au point de vue de la science, on peut désirer plus encore. Pour employer, à l’exemple de M. Herbert Spencer, une comparaison empruntée à l’astronomie, de belles et poétiques dissertations sur le grand spectacle que nous offre la voûte étoilée, auraient peu servi pour expliquer la mécanique céleste. La mécanique humaine, si nous pouvons ainsi parler, est au moins aussi compliquée et demande une étude aussi précise. Les moralistes se sont trompés le plus souvent sur la nature des forces qui déterminent la volonté : ils ont pris des causes d’attraction secondaire pour la force qui nous oblige. La théorie de Newton, en morale, n’est représentée, à nos yeux, que par celle de Kant, et celle de ceux qui sont, en France, les plus fidèles disciples de ce grand philosophe. C’est ainsi seulement que le problème de la morale peut être posé et résolu. En face des prétentions de l’école anglaise expérimentale, et des travaux si considérables de ses principaux représentants, tous ceux qui font profession de rationalisme sont tenus de donner à leur méthode plus de rigueur, de montrer mieux que la morale théorique a pour domaine l’absolu et se fonde sur de purs concepts. À quelque degré que l’expérience intervienne dans la détermination de la fin obligatoire, elle rend impossible l’établissement de la science.

A. Penjon.

H. Luguet : Le Traité de l’âme, de Jean de la Rochelle. 1 vol. in-8. — Fratris ac Magistri Johannis a Rupella Summa de anima. Paris, Durand, 1875.

Malgré d’importants travaux publiés de notre temps sur la Scolastique, cette époque de l’histoire de la philosophie nous est encore fort peu connue. Les difficultés qu’elle présente, le discrédit dont elle ne s’est pas relevée auprès de la plupart des esprits, l’attrait plus vif et plus puissant qui s’attache aux autres époques, l’attrait des questions et controverses contemporaines, retarderont longtemps sans doute le moment où une lumière suffisante viendra éclairer les obscurs détours de ce grand labyrinthe.

Peu de nos lecteurs, parmi les plus instruits, connaissent le nom de