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continue à user ses forces dans les mouvements de la vie et il s’épuise sans rien faire. On voit de combien de conditions physiologiques il faudrait tenir compte dans la mesure exacte d’un sentiment de peine.

Il en est de même pour la lumière. M. Delbœuf dit avec raison qu’il y a un certain degré de lumière qui est le plus favorable à l’œil, et que ce degré est celui qui lui permet d’apercevoir les plus petites différences. Mais M. Delbœuf explique le plaisir causé par ce degré de lumière au moyen de sa théorie de la tension. La lumière la plus agréable est, selon lui, celle qui est également éloignée d’un maximum H et d’un minimum  ; elle est, par conséquent, représentée par . La raison du plaisir est toute autre selon nous ; elle tient à ce que le degré de lumière permettant à l’œil d’apercevoir les plus petites différences est précisément celui qui lui fait recevoir, d’une quantité quelconque d’objets visibles, la plus grande somme d’excitation.

VI

M. Delbœuf accorde, selon nous, à la motilité une importance exagérée. Il adopte avec trop de facilité le point de vue exclusif de Maine de Biran. Il a tort de faire du sens de la contraction musculaire autre chose qu’une sensation, et de prétendre que ce sens nous fait connaître dans les choses des attributs d’un ordre particulier qu’il appelle les attributs cinématiques, par opposition aux attributs esthétiques (?) connus par les autres sens. Ces attributs cinématiques sont en réalité des qualités mathématiques ou mécaniques, tandis que les attributs esthétiques seraient plus justement nommés qualités physiques. Elles diffèrent, selon nous, les unes des autres par leur degré d’abstraction[1]. Sans doute, les divers sens ont besoin, pour faire leur éducation, et s’élever de la sensation simple à la perception, de s’aider les uns les autres, de combiner leurs données, et de former des notions par la réunion de sensations provenant de sens différents. Mais le sens de la contraction musculaire joue relativement aux autres le même rôle que les autres entre eux ou relativement à lui. De la sensation de mouvement musculaire seule ne pourrait sortir

  1. Dans ses premiers ouvrages M. Delbœuf avait présenté avec beaucoup de justesse l’objet des sciences mathématiques comme obtenu par abstraction. Pourquoi a-t-il abandonné ce point de vue ?