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dumont. — m. delbœuf et la théorie de la sensibilité.

tique qu’il prétend en donner. En pareille matière, c’est uniquement sur des expériences qu’il faut se fonder. Nous devons d’ailleurs rendre cette justice à notre auteur qu’il a essayé de vérifier sa formule par voie d’expérience. Mais il déclare lui-même que cette vérification expérimentale n’a pu être que très-imparfaite et n’est pas suffisamment concluante.

Pour donner à ce que M. Delbœuf appelle tension un sens physiologique, il faut entendre par là la diminution réciproque de réaction entre les éléments organiques, par suite de leur manque de réparation, de leur destruction, ou de leur écartement résultant d’une augmentation de leur mouvement propre. C’est ainsi qu’une excitation, tout en étant une cause de plaisir, finit par causer une douleur quand elle est poussée à l’extrême, parce que l’augmentation de mouvement désagrège les organes ; les parties désagrégées qui ne reçoivent plus des parties voisines la réaction qu’elles avaient l’habitude d’en recevoir, ne trouvent plus dans cette réaction la réparation des forces communiquées ; elles perdent la source de leur mouvement vital ; et il en résulte pour elles une diminution de force et cette souffrance que nous appelons douleur. Ainsi une excitation poussée à un certain degré amène au point de vue de la vie une destruction de mouvement ; ainsi un excès de force détruit cette accumulation de force qu’on appelle un organe. M. Delbœuf a raison de dire que la très-grande chaleur, une lumière trop vive ne sont plus perçues comme chaleur ou lumière, mais comme souffrance[1].

Une difficulté vient compliquer toutes les expériences que l’on pourra faire sur la mesure de la fatigue : une quantité de travail considérable peut être produite avant que l’on commence à éprouver aucune fatigue. La fatigue ne pouvant commencer que lorsqu’il y a excès de dépense de force sur la somme de réparation et d’excitation, nous pouvons d’abord employer à la production du travail un superflu de forces emmagasinées dans l’organisme, et qui passe de l’inconscience à la conscience. Aussi longtemps que ce superflu n’est pas consommé, il ne peut y avoir excès de dépense sur la réparation. Par contre, lorsque le travail a cessé, la fatigue peut continuer à s’accroître, et l’on se sent souvent plus fatigué après l’achèvement d’une tâche que pendant son accomplissement. Si, en effet, l’individu n’a pu prendre des aliments, ou que les matériaux nutritifs n’aient pas encore eu le temps de s’assimiler, l’individu

  1. La loi de Weber cesse d’être vraie dès que l’excitation produit de la désorganisation. Elle n’est pas vraie non plus pour le froid, dès qu’il est assez considérable pour produire de l’anesthésie, en empochant lu transmission du mouvement.