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Fechner ne rend compte par son ingénieuse théorie sur le logarithme des sensations que de la mesure des représentations conscientes : reste toujours à expliquer le passage de l’inconscience à la conscience.

L’auteur commence ensuite l’exposé de sa propre doctrine. À l’encontre de Herbart, de Schopenhauer, de Hartmann, il place dans la faculté de sentir (Gefülh) l’essence même de l’âme : la représentation (Vorstellung) et la volonté (Wille) n’en sont que les manifestations partielles. Le sentiment (au sens le plus général du mot) agit par un double courant, un centrifuge ou périphérique qu’on peut appeler volontaire, moteur (Trieb), un centripète qu’on désignera assez bien par le nom de courant de la représentation (Vorstellungsstrom). L’âme est essentiellement une activité organogénique (organisirender Trieb, organbildende Macht). Toute action extérieure provoque en elle un sentiment qui se traduit par une réaction des courants mentionnés. Cette réaction n’est encore qu’inconsciente : c’est sous cette forme que se produisent tous les réflexes. Pour qu’elle devienne consciente, il faut que le courant représentatif soit fixé (das fixiren des Vorstellungsstromes). — La physiologie nous apprend que les cellules ganglionnaires ont la propriété de fixer ainsi le courant représentatif. Helmholtz porte à 1/30 — 1/20 le temps qu’il faut à une expression transmise par les nerfs centripètes pour agir sur le nerf centrifuge. Pendant cet intervalle, l’impression a donc été retenue dans la cellule ganglionnaire. Setschenow, par sa découverte des centres d’arrêt (Hemmungs centren), a reconnu que certains centres suspendent les réflexes, servent par conséquent à y fixer le courant représentatif. En s’appuyant sur les récentes découvertes de la physiologie, von Hartmann a établi d’une manière définitive et victorieuse que les cellules ganglionnaires, en chaque partie du corps, ne sont pas seulement le siège d’une activité physiologique, mais aussi psychologique, qu’elles ont, par conséquent, des représentations inconscientes (la convenance des mouvements réflexes serait inexplicable autrement). En s’éclairant des théories d’Helmholtz et de Setschenow, le même philosophe a pu conclure que chaque cellule ganglionnaire a sa conscience propre, puisqu’il suffit qu’un centre ait la propriété de fixer ses représentations pour qu’elles deviennent conscientes. — Ces centres conscients qui sont en grand nombre dans l’organisme, communiquent entre eux, sont subordonnés les uns aux autres ; mais nous ne donnons le nom de conscience véritable, la conscience humaine ne doit être attribuée qu’au centre supérieur (das absolute Bewusstseinsganglion, der Bewusstseinspunkt) qui rassemble en lui et coordonne les impressions transmises par tous les autres centres. — Où chercher ce centre absolu ? La physiologie a établi que les hémisphères cérébraux sont le siège de la conscience humaine, de l’intelligence, comme on dit. Mais elle démontre par les expériences les plus i concluantes que les hémisphères peuvent se substituer l’un à l’autre, ainsi dans le cas rapporté par Fechner d’une vieille femme dont l’hémisphère gauche