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inséparables, placés pour toujours face à face, aussi indissolublement, aussi constamment liés que les deux surfaces d’un verre de montre ? Le professeur Bain pense que toutes les théories dualistes ont fait leur temps ; elles ne sont plus compatibles avec la certitude de la science et la clarté de la pensée. Mais il est difficile de voir en quoi la doctrine qu’il met lui-même en avant comme expliquant l’union de l’âme et du corps est préférable aux plus anciennes et aux plus brumeuses des théories dualistes maintenant décriées. Aucun vrai moniste ne peut admettre « qu’un être humain est une masse étendue et matérielle à laquelle est attaché le pouvoir de s’éveiller au sentiment et à la pensée. » Il doit soutenir qu’un être humain est une masse étendue et matérielle qui pense et sent. Et si le sentiment et la pensée ne sont que le côté subjectif d’un être qui, de l’autre côté, du côté objectif, est une masse étendue de matière, on ne peut démontrer qu’ils constituent « l’éloignement suprême de tout ce qui est matériel. » Ce sont plutôt les voisins les plus proches qu’on puisse concevoir de la matière, des compagnons inséparables, « une unité à double face, » pour citer de nouveau, en concluant, cette image que le professeur Bain aurait dû conserver constamment devant lui dans tout son ouvrage, au lieu de la jeter simplement au passage, en prenant congé du sujet.

Il me semble que si la psychologie physiologique doit conserver ses positions, ou même les fortifier efficacement, comme étant la vraie philosophie mentale, elle doit être fondée sur un monisme hardi et déterminé ; les derniers lambeaux des théories dualistes les plus respectables doivent être arrachés ; la matière et la pensée, le corps et l’âme, — nommez-les comme vous voudrez — doivent être considérés avec persistance et constamment comme une seule chose, une grande unité organique, composée, sans doute, de plusieurs parties, mais de parties vraiment parentes, de parties qui, de quelque manière qu’elles puissent être distinguées l’une de l’autre, se trouvent, en dernière analyse, n’être que des formes hautement différenciées d’une seule vie éternelle.

Alexander Main.