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Mainlaender (Philipp.) : La Philosophie de la délivrance (Die Philosophie der Erlösung). (Berlin, Grieben, 1876).

Sous ce titre sont compris deux ouvrages distincts d’une longueur à peu près égale : le premier (qui seul nous occupera) est consacré à la Philosophie de la délivrance ; le second à une critique des théories de Kant et de Schopenhauer.

L’auteur s’inspire principalement de Schopenhauer, et, par ses doctrines, appartient à ce courant d’idées pessimistes et bouddhiques si fort à la mode en Allemagne, pour le moment. La délivrance ou libération qu’il nous propose, doit s’obtenir par l’athéisme fondé sur la science. Quiconque, dit-il, a suivi le mouvement de l’esprit humain, depuis les origines de la civilisation jusqu’à nos jours, arrive à ce résultat remarquable : c’est que l’homme placé en face de la nature a tout d’abord personnifié ses forces sous la forme de plusieurs dieux ; qu’ensuite il a fondu toutes ces divinités en une seule ; puis qu’il a déchiré le voile qui enveloppait sa propre illusion. Les stations de la route ainsi parcourue, sont : 1° le polythéisme, 2° le monothéisme ou le panthéisme sous sa double forme, religieuse et philosophique, 3° l’athéisme. Tous les peuples civilisés n’ont pas parcouru cette route tout entière : beaucoup se sont arrêtés au premier ou au second stade, « et ce n’est que dans deux pays que la dernière station a été atteinte : dans l’Inde et dans la Judée. » La religion des Hindous fut d’abord le polythéisme, puis le panthéisme. « Alors vint Bouddha qui, dans sa grande doctrine du Karma, fonda l’athéisme sur la foi en la toute-puissance de l’individu. » La religion des Juifs fut de même, d’abord un grossier polythéisme, puis un monothéisme étroit. Là, comme dans le panthéisme, l’individu était complètement effacé. C’est contre cette doctrine que le Christ a réagi. Car le Christ en rétablissant l’individu dans son droit imprescriptible, a fondé la religion athée de la libération. « Le pur christianisme dans son fond intime est un athéisme véritable : c’est-à-dire qu’il nie un dieu personnel coexistant avec le monde et que, d’un souffle puissant, il a fait pénétrer dans le monde l’affirmation qu’un dieu est mort dans les temps lointains. »

« Plus que jamais, l’individu désire être rétabli dans ses droits violés, mais imprescriptibles. Le présent ouvrage est un premier essai pour les lui restituer. La « Philosophie de la libération » continue la doctrine de Kant et de Schopenhauer : elle confirme le Bouddhisme et le pur Christianisme. Elle fonde l’athéisme, non sur une foi quelconque, comme ces religions, mais sur un savoir : pour la première fois, elle appuie l’athéisme sur des bases scientifiques. »

L’auteur pose en principe que la vraie philosophie doit être immanente et idéaliste ; et il expose son système sous les six titres suivants : Analytique de la connaissance, physique, esthétique, morale, politique, métaphysique.