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analyses. — dühring. Cours de philosophie.

doute téméraire de l’affirmer. Mais gardons-nous d’en juger trop promptement. « Nous ne savons que peu de chose sur la perception de la chaleur par la peau. Personne n’est encore en état de dire quelle part revient aux forces électriques, aux changements d’état du monde extérieur, dans le mécanisme fondamental des perceptions les plus obscures comme les plus hautes. »

Penchants et passions (Triebe und Leidenschaften). — Nous regardons chaque partie de la matière comme le principe d’un dynamisme mécanique, qui, chez les êtres sentants, se manifeste par des forces d’impulsion auxquelles nous donnons le nom de penchants (Triebe), lorsque le sentiment ou la sensation (Empfindung) en accompagne le jeu.

Le sentiment est le moyen même dont se sert la nature pour nous pousser à une action déterminée. Le penchant réside donc essentiellement dans le sentiment et ne le précède pas. La force d’impulsion, dont le jeu fait naître le sentiment ou lui apporte un élément nouveau, rentre dans la catégorie des forces mécaniques, et ne diffère pas fondamentalement dans son mode d’action de nos propres machines. — La théorie (Hartmann) qui prête au penchant, à l’instinct, une sorte de divination mystérieuse de l’avenir, méconnaît une vérité fondamentale, à savoir que l’impression présente peut seule provoquer la sensation, à laquelle répond l’acte instinctif. C’est une pure illusion de vouloir trouver dans l’instinct des propriétés, des éléments, que notre propre conscience ne contiendrait pas. La vertu démoniaque (Hartmann), par laquelle on prétend expliquer nos sympathies et nos antipathies, n’est au fond que l’effet mal connu du jeu plus ou moins compliqué de nos penchants et de nos émotions élémentaires. — Les penchants nécessaires, primordiaux, peuvent se diviser en deux grandes classes, ceux qui se rapportent à l’alimentation, ceux qui se rattachent au besoin sexuel. — La psychologie connaît mal encore les lois des combinaisons d’où dépendent la diversité et le perfectionnement de nos sentiments. — On considère souvent les penchants comme institués par la nature en vue de réaliser certaines fins qu’on croit ne pouvoir être atteintes que par un être doué de conscience et de sensibilité. Mais on oublie que la conservation de l’individu et de l’espèce est très-bien assurée dans le règne végétal, sans l’intermédiaire du sentiment. Les penchants n’ont donc qu’un rapport indirect aux deux fins suprêmes de la vie animale, l’alimentation et la reproduction : ils sont surtout destinés à provoquer en nous le plaisir qui naît de leur satisfaction. La douleur résulte, par une nécessité inévitable, du conflit de la matière brute et de la vie. — Les impulsions de l’instinct ne sont pas pour nous des règles absolues, bien qu’elles renferment de précieuses indications : nous sommes placés dans la nature pour la juger et la diriger, et la transformer. Si les instincts s’égarent, nous devons les contenir, les guider. — Mais sous les formes multiples que l’éducation leur fait prendre, nous retrouvons toujours les instincts fondamentaux dont nous avons parlé. Comment admettre sans absurdité, avec l’école