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analyses. — dühring. Cours de philosophie.

commerce des intelligences peut supprimer, il est vrai, ces bornes de l’individualité et créer une sorte de conscience universelle de l’humanité. Chaque sujet pensant d’ailleurs a le sentiment confus de l’unité des choses : cette conscience instinctive s’éclaire et s’étend, en proportion du degré d’intelligence de l’individu, et dans la mesure où son expérience embrasse le temps et l’espace. — Vivre au sein de la nature, c’est pour l’individu ressentir le contre-coup de toutes les actions mécaniques dans l’univers. Il faut aller plus loin, et dire que les conditions de la conscience doivent être cherchées dans les lois du déterminisme matériel ; et que les forces, ignorées de nous, qui la produisent, ne sont qu’une des formes du mécanisme universel. Ce serait une grossière erreur, de croire que la conscience peut préexister à la réalité matérielle ; c’est du sein de cette dernière, c’est de l’opposition des forces qui s’y déploient, qu’elle naît véritablement. — La science prétendue, qui s’intitule psychologie, repose sur une conception anti-scientifique. La Psyché qu’elle affirme n’a pas plus de réalité que le dieu des théologiens. « Le principe individuel des phénomènes de conscience n’est au fond qu’une pure action, quelque chose par conséquent de tout à fait passager. Il est tout le contraire d’une réalité substantielle » (133). La psychologie ne peut être que la science des processus de la conscience, qu’une pure science de faits. — C’est en vain qu’on a essayé de rajeunir sous le nom de physiologie de l’âme les superstitions surannées d’un spiritualisme scolastique. « L’addition de connaissances physiologiques n’a pas aussi à rendre plus supportable au goût des esprits cultivés le ragoût de la prétendue science de l’âme » (134). Cela ne justifie pas ceux qui, comme Comte, prétendent réduire à la physiologie des organes l’étude des sentiments et des pensées. Quoi qu’il en soit, la psychologie proprement dite a fait son temps ; et « l’on doit hardiment regarder ceux qui se donnent aujourd’hui pour psychologues comme incapables de philosopher sérieusement » (136). — La première manifestation de la conscience est la sensation. La sensation a une vérité objective. « Elle est une interprétation de cet être qui, en soi, ne se sent pas, mais qui a destiné à cette fin une fonction spéciale de son activité universelle. » L’organisme forme le lien qui rattache l’individu au monde extérieur ; ses modifications, comme les variations du thermomètre, nous servent à mesurer les processus réels qui se déroulent autour de nous. Il suit de là que la sensation est le point de départ de toute connaissance, humaine ou autre. — Elle repose au fond sur le même principe que le monde matériel, sur l’antagonisme fies forces naturelles. Les éléments de toute sensation ne sont en dernière analyse que des sensations de résistance : de même que les forces physiques n’expriment sous des formes variées que le conflit des actions mécaniques de la matière. Chez tous les êtres sensibles, on retrouve les mêmes sensations élémentaires. La diversité des combinaisons auxquelles elles peuvent se prêter, rend compte de la diffé-