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analyses. — dühring. Cours de philosophie.

Lamarck que le cou de la girafe s’est allongé pour atteindre les feuilles, on ne saurait soutenir également que la plante qui se tourne vers le soleil cède à une impulsion instinctive, et obéit à autre chose qu’à l’effet des forces physiques ou chimiques. D’un autre côté, si la sélection sexuelle montre comment les modifications d’un type originaire s’accumulent et s’accentuent dans la série des individus, elle n’explique pas la première apparition de ces modifications. La nature, selon Darwin, procède comme un éleveur, qui travaille méthodiquement à la production de certaines variétés déterminées, et réalise ainsi son idéal utilitaire sous des formes diverses. « La pauvre nature se montre même bien inférieure au plus grossier éleveur : car le seul moyen dont elle dispose est la concurrence vitale. La nature n’est qu’une institution de concurrence, tout à fait à la mode anglaise. À notre avis, le Darwinisme proprement dit, et il en faut soigneusement séparer les théories de Lamarck, est en quelque sorte le triomphe de la brutalité sur l’humanité » (117). La concurrence vitale, en effet, n’est propre qu’à favoriser le développement des aptitudes brutales, qu’à assurer la victoire des races qui les possèdent au plus haut degré. La doctrine de Darwin sur l’hérédité n’est pas plus satisfaisante que les autres. Darwin, comme les éleveurs, n’étudie que les faits positifs de l’hérédité, et ne tient aucun compte, ne fournit aucune explication, de ses effets négatifs. « Nous laissons de côté les accompagnements psychologiques et les autres variations sur le thème du Darwinisme que de prétendus philosophes, de l’espèce d’Herbert Spencer, ont essayés récemment » (126). — En résumé, le concept du développement généalogique doit faire place dans l’étude de la vie et des espèces à celui de la composition des éléments. Les combinaisons de la vie, comme celles de la chimie, ne sont que les transformations progressives d’éléments atomiques. (Alle Entwickelungs schematismen die Bearbeitung eines atomischen Materials aufweisen müssen) 127. — C’est ainsi que l’univers physique, ainsi que les processus spécifiques de la vie et de la sensibilité, reposent sur un seul et unique fondement.

III. Les éléments de la conscience. — Sensation et sens (Empfîndung und Sinne). — Si nous écartons du monde les êtres conscients qu’il renferme, la réalité objective ne nous apparaît plus que comme un vaste mécanisme, d’où toute finalité est absente, mais où la diversité des éléments est ramenée à une rigoureuse unité, par la nécessité universelle des lois de la nature. Le monde des êtres pensants est loin de cette unité systématique. À l’unité du monde réel correspond bien l’unité de chaque conscience particulière, mais non la liaison de toutes les consciences en un sujet unique, mais non l’unité d’une conscience universelle. C’est que la conscience repose sur la distinction du sujet et de l’objet ; et que la sensation et le sentiment résultent du conflit de forces opposées. On ne peut, sans contradiction, parler d’une conscience absolue, universelle ; il n’y a que des consciences partielles. Le