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analyses. — dühring. Cours de philosophie.

borné à les enrichir d’un principe nouveau, celui de la sélection naturelle, par le moyen de la concurrence vitale. Darwin, d’ailleurs, avait puisé ses inspirations dans Malthus. Aussi l’économie de la nature est-elle ramenée par lui aux mêmes principes que ceux qui régissent l’économie sociale. — Au fond de ces théories se retrouve le principe qui domine toute la pensée du xixe siècle, la loi de la continuité du progrès. Ni le chaos n’est à l’origine des choses ; ni le développement de l’être ne se fait par révolution. Toutes les possibilités sont contenues en germe dans la matière primordiale, et arrivent à l’existence par une évolution continue. — Mais le progrès du monde suppose l’unité de la fin où il tend, comme celle du principe d’où il sort. Le mouvement de la vie est inintelligible en dehors du principe de finalité ; et, si Spinoza et Kant ont eu raison de protester contre l’abus qui a été fait de ce principe, il serait injuste de prétendre le bannir de la science. Il n’est pas nécessaire d’ailleurs de prêter à la nature une finalité consciente : il suffit de ne pas fermer systématiquement les yeux à l’évidente finalité qui révèle le monde des organismes. « Les êtres sentants doivent être regardés comme la fin de chaque organisme cosmique. Un monde absolument étranger à la conscience serait une œuvre avortée et déraisonnable, et comme un théâtre sans acteurs et sans spectateurs ! » (104). — La loi du développement continu qui régit la succession des formes de la vie et de la pensée préside aussi à l’apparition du premier organisme, de la première conscience. L’origine de la vie doit être rapportée à l’action des forces mécaniques de la matière. « Là où, dans la mécanique de l’univers, les conditions nécessaires à la vie organique, au jeu des sensations, se trouvent réunies, on voit surgir nécessairement ces formes nouvelles de l’existence. » Le Darwinisme méconnaît cet enchaînement nécessaire, ce progrès continu des formes de l’être, de la simple matière à l’organisation. Aussitôt qu’il aborde le problème des origines de la vie, il trahit son impuissance radicale. L’intervention spéciale du Créateur est, à ses yeux, nécessaire pour expliquer la première apparition de la vie : ce n’est qu’après ce premier acte miraculeux que le mécanisme de la théorie de la descendance peut commencer à fonctionner. Autrefois on donnait le nom de déistes à ceux qui recouraient à de tels expédients. Le culte qu’ils professent pour Darwin dissimule à ses adeptes l’étroitesse métaphysique de sa théologie zoologique. C’est en vain qu’un matérialisme timide et peu conséquent essaie de corriger la médiocrité métaphysique de cette conception toute anglaise des origines de la vie. Le Darwinisme incline au fond au mysticisme ; et le fait que le spiritualiste Wallace n’hésite pas à nier avec Berkeley la réalité de la matière devrait faire suspecter l’esprit de la doctrine aux matérialistes peu clairvoyants. — Suivons le Darwinisme dans son explication non plus de l’origine, mais du développement des organismes. On peut dire d’une manière générale qu’il a corrompu toutes les vérités qu’il a empruntées à Lamarck. Il fausse par ses exagérations la théorie de l’adaptation. Si l’on peut prétendre avec