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e. cazelles. — morale de grote

mais l’état d’esprit qui les inspire est tout différent. C’est l’esprit d’un homme vraiment moral. Les motifs déterminants de sa conduite sont toujours des plaisirs ou des peines, mais ce sont des plaisirs et des peines tout internes, que nul autre individu ne lui dispense, dont la puissance peut l’emporter de beaucoup en intensité sur celle des plaisirs ou des peines d’origine externe, et qui vont souvent, le plaisir jusqu’au ravissement, les peines jusqu’aux plus affreux tourments.

III

Avant d’arriver à cet état où la sanction interne se subordonne la sanction externe, ou même s’y substitue, où les actes nous apparaissent comme dictés par un désintéressement complet (si nous nous en tenons au langage du vulgaire, pour qui la sanction externe seule affecte l’intérêt de l’agent), l’homme se souvient trop que le contentement ou le mécontentement qu’il a de ses propre actes, correspondent à des jugements externes actuels pour cesser d’en attendre la manifestation. Il garde la conviction que son acte a mérité la bienveillance d’autrui quand il se trouve conforme au type d’après lequel la faveur et la bienveillance sont distribuées dans le corps social. Il en résulte un nouvel élément de la conscience morale. L’agent attend avec confiance l’expression de ces dispositions bienveillantes : il est assuré de les avoir méritées. Il croit fermement que les autres sont obligés de les lui témoigner. C’est pour lui un droit, et le sentiment de ce droit accompagne toujours le jugement qu’il porte sur son acte propre en tant que spectateur. Le sentiment de son droit à l’estime et a la récompense décernée par autrui c’est l’estime qu’il a pour lui-même.

La conscience morale se trouve constituée par le concours de ces éléments : l’idée d’une ligne de conduite ou de certaines dispositions chez l’agent, et l’idée qu’il existe en autrui une disposition à l’égard de l’agent, — telle que l’agent l’espère. Un troisième élément, l’idée d’une sanction externe qui assure l’exécution du contrat, vient servir de ciment aux deux autres.

On peut donc définir la conscience morale un groupe d’idées ou de sentiments unis indissolublement de manière que le retour des phénomènes de la vie réelle, d’une façon conforme à cette association, produit un sentiment de satisfaction, et que le retour de ces phénomènes d’une façon contraire à cette association crée un sentiment de déplaisir et d’indignation.