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delbœuf. — logique algorithmique

et surtout de généraliser la résolution des questions que l’on peut se proposer sur les nombres. Pour atteindre ce but, l’algèbre emploie les lettres et les signes. »

Si tel était l’objet de l’algèbre, l’arithmétique serait parfaitement inutile. En quoi d’ailleurs l’algèbre me permettra-t-elle d’abréger, de simplifier ou de généraliser la résolution de cette simple question faite sur deux nombres : chercher le produit de 9 par 7 ?

Faut-il ajouter qu’après le chapitre des définitions et celui de la numération, on passe tout à coup, sans que rien les rattache l’un à l’autre, aux chapitres de l’addition, de la soustraction, de la multiplication, etc. ? Comment l’idée de ces opérations vient-elle à l’esprit ? pourquoi y a-t-il quatre, six, dix opérations ? où fait-on la distinction des vérités, de principe, de définition, de déduction ? Ce sont là toutes idées qui se présentent à l’esprit du lecteur réfléchi, et tous ces points sont laissés dans l’ombre.

Ces hommes éminents ont dû cependant se poser ces questions. M. Bertrand s’est certainement demandé d’où vient l’idée de nombre puisqu’il croit devoir dire qu’elle a son origine la plus naturelle dans la considération de plusieurs objets distincts. Il y a là, sous cette forme simple, une idée très-profonde et exprimée avec beaucoup de justesse, si l’on retranche les mots soulignés. Et quand il fait remarquer que le nombre concret n’est pas un nombre, que c’est une grandeur, M. Bertrand, choisissant peut-être un mauvais exemple, énonce en peu de mots une grande vérité que M. Cirodde a eu le tort de méconnaître. Quel dommage seulement que ces savants ne se soient pas efforcés de procéder systématiquement à l’édification de l’arithmétique comme Euclide à celle de la géométrie, Euclide dont on peut répéter ce que le poète a dit d’Homère, c’est qu’après deux mille ans il est jeune encore de gloire et d’immortalité.

III. — Prolégomènes philosophiques de l’arithmétique.

Quelle est l’origine de ces confusions regrettables ? c’est que l’on n’a pas bien examiné dans quel cas il y avait définition réelle et dans quel cas définition nominale. Je l’ai énoncé à plusieurs reprises : la science ne peut donner une définition adéquate de son objet, elle ne peut que le circonscrire. Si abstrait que soit l’objet, si étroit que soit le côté par lequel on l’envisage, il retient toujours quelque chose de réel, sans quoi la science ne serait pas l’image de la réalité ; c’est ce quelque chose qui échappe à la définition, qu’elle se donne précisément pour mission de nous faire comprendre. La définition réelle