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Continuons. Je compare ce jardin. à acheter avec un autre jardin connu, par exemple, celui que je possède actuellement ; je le trouve à peu près égal, ou plus grand, ou plus petit : est-il pour cela mesuré, et le résultat de ma comparaison est-il un nombre ?

Que signifient ensuite les mots grandeur de même nature ? Un panier contient des pommes, des poires et des oranges, en tout, quinze fruits, où est l’unité ? Un voyageur en chemin de fer porte avec lui un paletot, une valise, un parapluie et un volume, et, au moment où il descend, il s’assure qu’il n’a oublié aucun de ces quatre objets, nous avons bien là un nombre : où est donc la grandeur à mesurer ? où la comparaison ? où la même nature ? où l’unité ?

N’examinons point la question des nombres fractionnaires et incommensurables. Sur ce point, M. Bertrand se contredit à quelques lignes de distance. Laissons de côté la distinction parfaitement fausse, mais dans tous les cas oiseuse, que l’on fait entre nombre abstrait et nombre concret[1]. Arrivons à la définition de l’arithmétique.

« L’arithmétique, dit M. Bertrand, comprend l’art d’effectuer les opérations auxquelles les nombres donnent naissance, et l’étude de leurs propriétés. »

C’est là définir par disjonction : cela revient à dire que l’arithmétique est l’art de faire des additions, des soustractions, des multiplications et des divisions. Mais d’abord est-ce un art ou une science ? Et puis, les nombres ont donc des propriétés et donnent naissance à des opérations : lesquelles et pourquoi ? Je me demande en vain quelles peuvent être a priori les propriétés du nombre 7 en soi, et à quelle opération il peut donner lieu.

La définition de M. Cirodde est sujette à des observations analogues : « L’arithmétique est la partie élémentaire de la science des nombres ; elle a pour but de donner des moyens faciles pour représenter les nombres, ainsi que pour les composer et les décomposer. »

Comment s’appelle la science des nombres dont l’arithmétique est la partie élémentaire ? De plus on ne définit pas une science par son but ; c’est comme si on disait que la géométrie, ainsi que son nom l’indique, est la science qui nous fournit des moyens faciles pour procéder au mesurage des terres.

Les définitions de l’algèbre donnent prise aux mêmes critiques et à de plus sérieuses encore. Un spécimen suffira. M. Bertrand (5e éd. 1867) écrit : « L’algèbre a pour objet d’abréger, de simplifier

    nombre la collection ( ?) de plusieurs unités, c’est-à-dire de plusieurs quantités de même espèce et égales entre elles ? »

  1. Comme exemples de nombres concrets, M. Bertrand donne 7 litres, et M. Cirodde, 50 mètres ; en sont-ils bien sûrs ?