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la grandeur et de la forme, fondée sur l’homogénéité hypothétique de l’espace.

Chose à noter, plus les idées sont présumées simples, plus les définitions semblent devenir ardues. Qu’on jette les yeux sur la façon dont sont exposées les notions préliminaires de l’arithmétique et de l’algèbre dans les traités les plus en vogue : c’est un tissu de tautologies, de cercles vicieux, de contradictions, de non-sens parfois. Loin de moi la pensée de les dénigrer : je veux seulement signaler jusqu’à quel point la matière est délicate. Je n’ai pas l’intention de critiquer à fond, dans ce travail, les bases de ces sciences ; mais comme je recherche le fondement des signes arithmétiques et algébriques, je suis bien obligé de reconstruire la base d’un édifice à mon sens mal assis, de prouver mon assertion, et de justifier ainsi, sinon les définitions nouvelles, du moins la tentative de les découvrir.

II. — Critique des fondements de l’arithmétique et de l’algèbre.

Je m’arrête aux définitions qui ont cours. Je les emprunte à deux manuels remarquables à plus d’un titre : celui de M. Bertrand (2e éd., 1851) et celui de M. Cirodde (17e éd. 1864).

Ils débutent tous deux de la même manière : l’un définit la grandeur, l’autre la quantité. Or ces notions ne sont pas l’objet de l’arithmétique[1].

Grandeur ou quantité, c’est tout ce qui est susceptible d’augmentation ou de diminution. M. Bertrand seul prévoit une objection : la beauté, l’utilité, la vertu seraient des quantités à ce titre. Il la résout en disant que les mathématiques ne traitent que des grandeurs mesurables, et qu’ainsi l’étude du beau et de l’utile n’est pas une branche des mathématiques. Et si on mesurait pourtant le beau et l’utile — on essaie aujourd’hui de mesurer les phénomènes de l’âme — deviendraient-ils l’objet des mathématiques ? N’y a-t-il pas ici une véritable confusion ? On mesure l’eau qui tombe en pluie, la température, la pression et l’électricité atmosphériques, est-ce que l’étude de la pluie, de la température, de l’électricité et de la pression atmosphériques est une partie des mathématiques ? Évidemment non ! La définition n’est donc pas exacte. En effet, ce qui peut augmenter ou diminuer,

  1. C’est ce que reconnaît implicitement M. Bertrand : « Les mathématiques, dit-il, sont la science des grandeurs, et encore des grandeurs mesurables. » Définition sujette à examen : est-ce une grandeur mesurable que la racine carrée d’un nombre négatif ?