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tels que la manière de combiner les couleurs ou les changements de ton nécessités par les différences dans le maniement d’un instrument musical qui, tout en étant les conditions éloignées du plaisir final, mettent en lumière des lois physiques et non morales. Toutes ces conditions de l’effet esthétique sont comprises dans la technique spéciale d’un art.

La psychologie peut jouer un double rôle dans les problèmes esthétiques. En premier lieu elle peut fournir, dans de certaines limites, une base scientifique distincte pour la solution de ces problèmes. En second lieu elle peut déterminer les cas où les problèmes sont insolubles et indiquer les raisons pourquoi ils ne peuvent être résolus.

En premier lieu donc la psychologie nous offre une certaine quantité de principes objectifs solides, pour établir une théorie de l’art. Elle peut remplir ce but de deux manières : ou bien elle pose des lois fixes de la sensibilité ou de l’activité intellectuelle qui s’appliquent aux effets de l’art à tous ses degrés, depuis les plus inférieurs jusqu’aux plus élevés, ou bien elle détermine la nature et l’origine de quelque mode particulier du sentiment esthétique. Éclairons chacun de ces deux procédés par un exemple.

Supposons qu’il s’agisse de déterminer les rapports exacts entre l’art et la morale, ou. plus particulièrement, de décider si une bonne œuvre d’art peut exercer une mauvaise influence morale. Personne ne doute qu’un homme ne puisse produire une œuvre ayant la forme et quelques-uns des caractères d’une œuvre d’art, et dont l’influence soit en même temps tout à fait immorale. Il peut plaire à un poète de célébrer un ignoble type de sentiment ou à un peintre de choisir ses sujets dans la région basse et sensuelle de la vie humaine. Mais nous pouvons toujours demander si le défaut moral ne constitue pas en même temps un défaut artistique. Pour répondre à cette question, nous sommes évidemment obligés de remonter à quelque conception fondamentale de l’art. Or les recherches psychologiques, prises dans le sens étendu indiqué plus haut, nous informent que l’art est essentiellement le produit d’un goût social et non individuel, qu’il peut seulement s’adresser à des émotions communes de la société et de plus s’exprimant en masse, c’est-à-dire dans une forme générale et sympathique. Aucun sentiment immoral, c’est-à-dire anti-social, ne pouvant constamment s’exprimer sous cette forme généralement adoptée, l’art doit éviter ce qui est immoral comme étant contraire à son but.

Dans un grand nombre de cas, cette sorte d’appel à des principes psychologiques sert à montrer que des idées esthétiques opposées