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James sully. — l’art et la psychologie

combien les vérités esthétiques dépendent des données psychologiques, se sont occupés surtout d’un côté unique de l’art, à savoir de la beauté formelle. Il est vrai que c’est là un côté fort important.

Je ne veux pas dire ici que toute la doctrine de l’art tombe naturellement, comme ensemble de vérités divisées, dans le domaine de la psychologie, même si nous prenons ce mot dans le sens étendu que nous lui avons donné plus haut. D’abord l’esthétique est une science pratique ; à ce titre, elle admet un certain but comme évident par lui-même. La question du but final de l’art ne peut pas être décidée par des principes psychologiques, mais tout au plus par une induction tirée des faits de l’art ou par un appel à l’intuition individuelle. La place du principe psychologique dans l’esthétique est à peu près la même que dans l’éthique. Dans l’une et l’autre, on admet d’avance quelque bien final, et la psychologie nous aide seulement à déterminer les conditions nécessaires pour assurer ce but.

Mais en outre, la psychologie ne nous fournit pas même de critérium pour toutes ces conditions. Nous pouvons en avoir la preuve dans l’éthique et dans l’esthétique. Supposons que l’utile soit adopté comme la règle du bien moral, alors le critérium de tout précepte moral est qu’il sert à avancer le bonheur général. Or, pour savoir si une certaine ligne de conduite est propre à contribuer au bonheur des autres, il faut principalement considérer la nature et les conditions de la sensibilité, c’est-à-dire, il faut établir une recherche psychologique proprement dite. Ainsi la question, comment une certaine loi peut-elle avoir de l’influence sur la conduite réciproque des hommes entre eux — ce qui est une autre partie nécessaire de la recherche — peut seulement être résolue en tenant compte des lois de l’activité humaine, c’est-à-dire encore par un appel aux principes psychologiques. Mais les résultats de notre conduite à l’égard du bonheur des autres impliquent également des faits étrangers à la psychologie. S’il s’agit de savoir, par exemple, s’il n’est pas mauvais de conclure des mariages précoces dans un pays très-populeux, il faudra faire entrer en ligne de compte, outre un grand nombre de faits moraux, ce fait physique important que les moyens de subsistance ne s’étendent pas indéfiniment, à moins d’une somme de travail allant toujours en augmentant. Il en est à peu près de même en esthétique. La psychologie peut enseigner à l’artiste les conditions prochaines de ses effets ; elle peut lui indiquer une raison pour laquelle il doit rechercher une certaine disposition dans les couleurs ou une certaine unité d’émotions, si son œuvre doit plaire. Mais à côté de cela il existe différents procédés matériels