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L’ART ET LA PSYCHOLOGIE




Il n’y a probablement aucune série de phénomènes sur laquelle les travaux de l’esprit scientifique moderne aient répandu moins de lumière que sur les procédés des beaux-arts. Ce fait ressort clairement des idées que nous associons encore avec le terme esthétique. Parler d’une recherche esthétique, c’est pour le vulgaire descendre dans les régions les plus obscures et les plus nébuleuses de la pensée. Appeler un sujet esthétique, c’est demander qu’il soit exempt d’une investigation claire et profonde.

La cause prochaine de cette opinion régnante se trouve sans doute dans la nature des spéculations présentées jusqu’ici comme des contributions à une théorie des arts. Ces spéculations me semblent pouvoir être rangées parmi les preuves les plus frappantes de la stérilité de la méthode métaphysique. Autant qu’on en peut juger, elles ont peu contribué à faire comprendre aux esprits non métaphysiques la nature et le but de l’art, quoiqu’elles aient été bien accueillies par un certain nombre d’amateurs qui les ont regardées comme des idées sublimes prêtant de nouveaux charmes à la beauté parce qu’elles la rendent plus mystérieuse.

En outre la métaphysique a pu transformer l’esthétique en un domaine obscur et dangereux, sans que la critique soit venue se mettre en travers en établissant des règles empiriques comme canons de l’art. Les règles, que celle-ci a proposées, reposent ordinairement sur des observations étroites, et dans la plupart des cas ne peuvent s’appliquer qu’à une période particulière d’un développement national particulier. Même quand, sous la règle ainsi exposée, il se cache quelque principe scientifique intelligible, celui-ci a rarement été distinctement reconnu et nettement présenté.

Cependant cette domination de la pensée métaphysique dans le domaine de l’art ne rend pas entièrement raison de l’absence de toute conception scientifique de l’esthétique. Le puissant empire exercé aujourd’hui par la méthode métaphysique dans la biologie et