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losophie positive, qui est, en vérité, une philosophie de glace, d’une froideur impassible, et, même à sa plus haute température, ne s’élève jamais à plus de dix degrés au-dessous du point de congélation ; il y a aussi une science positive qui se trouve parfaitement heureuse, tant que vous la laissez se démener au milieu des matériaux bruts de la science, se vantant de rester cramponnée aux faits et de ne point se mêler de théorie, comme si la théorie était autre chose qu’une généralisation plus ou moins satisfaisante des faits ; comme si les faits pouvaient avoir la moindre valeur scientifique, sinon en tant qu’ils se prêtent à la formation de quelque hypothèse active pouvant conduire à la découverte d’autres faits. Si un astronome sans piété est un fou, il y aurait contradiction dans les termes à supposer un homme de science sans philosophie, pour ne pas dire davantage. Mais de cette philosophie inanimée, de cette science mutilée la méthode positive n’est nullement responsable ; de pareils systèmes sont des parodies du positivisme ; et aucun système ayant réellement la vie dans l’âme ne peut s’empêcher d’être parfois travesti de la sorte. Les partisans de ce positivisme étroit ont borné leur horizon de leur plein gré, bien loin d’être gênés par le poids des restrictions imposées par la méthode qu’ils professent de suivre. S’ils sont « renfermés, claquemurés, emprisonnés » de la sorte, ils ne le sont point en raison, mais plutôt en dépit de leur propre système.

M. Compayré prévoit le jour (probablement éloigné, pense-t-il) où l’une ou l’autre des deux méthodes, la méthode anglaise ou la méthode française, remportera finalement la victoire. Mais est-ce là le meilleur dénoûment qu’on puisse concevoir ? La méthode anglaise suivie avec l’esprit français, la recherche anglaise des principes impersonnels combinée avec l’enthousiasme français pour les mouvements personnels ; l’attachement des Anglais à leurs propositions ravivé par la facilité des Français à admettre des propositions qui n’ont pas encore été établies et ne pourront jamais l’être ; les faits anglais habillés de la grâce française : voilà qui serait, me semble-t-il, une fusion féconde ; et une pareille issue, nous avons le droit de l’espérer, est au nombre des choses à venir.

Alexander Main.
Arbroath (Écosse).
Juillet 1876.