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l. carrau. — la philosophie de m. g. h. lewes

nécessairement contenir la raison suffisante de l’apparition de la conscience ; elle n’est donc pas ce qu’on entend d’ordinaire par la vie, puisque la conscience et la vie diffèrent spécifiquement ; cette cause est donc d’ordre métaphysiologique, pour employer un mot de M. Lewes, et je l’appelle l’esprit.

Je dis enfin que cette cause est un principe réellement indivisible et simple, et non pas la synthèse ultérieure des faits de conscience ; car des éléments multiples ne peuvent faire eux-même leur synthèse ; et lors même que chacun d’eux serait doué de conscience, leur totalité ne formerait jamais qu’une totalité de consciences séparées et non une conscience unique et continue sous la diversité et la succession de ses manières d’être. — Dira-t-on que l’unité du moi n’est que l’aspect subjectif de l’unité de l’organisme ? — Mais l’unité de l’organisme ne se connaît pas elle-même, elle n’est aperçue que du dehors, par l’expérience externe et l’induction. L’unité du moi se saisit par le dedans, ou plutôt elle est l’essentielle condition de l’existence d’un dedans ; elle est ce dedans lui-même. C’est parce que le moi est un et se sait tel, qu’il applique et retrouve en quelque sorte l’unité hors de lui, dans l’organisme et généralement dans les systèmes où une pluralité des moyens semble concourir en vue d’une fin commune.

La sensation, avons-nous dit, est, pour M. Lewes, le point de départ de tout processus psychologique. Tachons d’expliquer comment la sensation devient successivement perception, image, pensée pure et volonté.

On peut distinguer dans l’organisme trois propriétés fondamentales : — l’assimilation, d’où résultent la croissance, le développement et la reproduction : la sensibilité, condition de tous les phénomènes sensitifs (et par là il faut entendre, selon M. Lewes, la sensation, l’émotion, la volition, l’intelligence et l’instinct) ; — la motilité, de laquelle dérivent les lois générales de l’action, en y comprenant l’impulsion aveugle, le mouvement automatique, le mouvement réflexe et le mouvement volontaire.

Cette distinction est purement analytique ; en réalité, ces trois propriétés ne peuvent se manifester indépendamment l’une de l’autre. L’assimilation exige, dans l’animal au moins, le concours de la sensibilité et de la motilité ; la sensibilité, à son tour, a besoin de la coopération incessante de l’assimilation ; et enfin la motilité ne peut se passer de la sensibilité qui lui sert à la fois de stimulus et de guide.

M. Lewes redresse, après quelques autres psychologues, l’erreur assez commune qui rapporte toutes les sensations à ce qu’on appelle