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employée par les psychologues français ; eh bien ! c’est l’existence de ce dedans que la théorie de M. Lewes ne m’explique pas. Tout ce que me révèle ma conscience, je le regarde comme étant au-dedans de moi ; au contraire, les conditions physiologiques de ces. phénomènes, je les considère comme étant au-dehors ; et, au vrai, c’est seulement d’une manière indirecte et par l’expérience externe que je les connais. Mais supposez, ainsi que le veut M. Lewes, que phénomènes de conscience et vibrations nerveuses soient une seule et même chose sous différents aspects : comme le côté objectif du phénomène n’est pas directement connu, s’il n’y a pas un sujet distinct du phénomène lui-même et que constitue précisément la différence entre le subjectif et l’objectif, le côté subjectif ne sera pas plus connu que le côté objectif ; il sera donc éternellement impossible, et, par suite, impossible à jamais sera l’existence d’un fait quelconque de conscience. — J’admets que la séparation soit purement logique : encore faut-il quelqu’un pour la faire, et ce quelqu’un c’est le sujet, qui ne peut être identique avec ce qu’il distingue. Comprend-on un phénomène qui se scinderait par abstraction en deux parties : l’une qu’il connaîtrait, l’autre qu’il ne connaîtrait pas ? Voilà pourtant, nous semble-t-il, jusqu’où on peut mener l’hypothèse de M. Lewes. Elle implique nécessairement ce qu’elle prétend exclure, à savoir : un principe capable d’opérer une abstraction et de juger de la différence entre le subjectif qui est lui-même, et l’objectif qui n’est pas lui. Il est donc quelque chose, et il n’est pas ce qu’il déclare étranger à lui-même. J’ajoute qu’il est quelque chose d’actif ; car une abstraction ne se fait pas toute seule ; elle suppose l’acte d’abstraire, la faculté d’abstraire : une abstraction sans un esprit dont elle soit l’effet nous paraît elle-même la plus chimérique des abstractions réalisées.

Je ne vois guère une moindre impossibilité logique à faire de la conscience une émergence, sous certaines conditions, des propriétés vitales. Si ces conditions sont purement physiologiques, elles auront beau s’ajouter à d’autres conditions physiologiques, elles ne produiront pas pour cela la conscience : si elles ne sont pas physiologiques, elles témoignent de l’intervention d’un principe nouveau. On n’a pas tout dit quand on a évoqué l’évolution ; on est tenu de montrer comment des propriétés surgissent tout à coup du sein d’éléments qui jusque-là ne les avaient pas manifestées. Si, comme on l’avoue, la conscience n’est pas la vie, qu’on nous apprenne par quel mystère la vie, se compliquant toute seule de conditions nouvelles, s’élève jusqu’à la conscience. Cette phase de l’évolution est un fait ; ce fait a sa cause ; cette cause, encore un coup, quelle est-elle ? Elle doit