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physiques, n’admettant pas qu’elle pût connaître autre chose que des phénomènes et des relations de phénomènes. Aujourd’hui, il fait amende honorable à la métaphysique : les notions de cause, de force, de matière, d’esprit, de substance, ne lui semblent plus illusoires ; l’obstination de l’esprit humain, depuis qu’il pense, à poursuivre au-delà des phénomènes la raison des phénomènes, est pour lui la preuve que des spéculations de ce genre sont en soi légitimes et qu’il faut, non les écarter, mais les aborder avec les méthodes positives. Au-dessus des sciences particulières est donc la métaphysique, science des sciences, moins avancée peut-être, mais non moins certaine que celles-ci, pourvu qu’on se rende un compte exact de son objet, de ses limites, des procédés qui lui sont propres. Quel est cet objet, et en quoi se distingue-t-il de celui des sciences particulières ? Un exemple sera plus clair ici que toutes les définitions.

« Supposons que l’objet de notre investigation soit le mouvement des corps célestes. Le premier point, c’est de déterminer les éléments positifs, connus, de la question : à savoir, que toutes les planètes se meuvent autour du soleil dans la même direction et sensiblement dans le même plan, et que, leurs orbites « étant à peu près circulaires, elles suivent des routes qui sont parallèles. Ce plan de révolution commun aux planètes, est à peu près celui où se trouve l’équateur du soleil. Les mêmes faits sont constatés relativement aux mouvements des satellites autour de leurs planètes, quoique leurs équateurs aient diverses inclinaisons sur le plan de l’équateur du soleil. — Cela conduit à cette induction que la circulation des planètes et celle de leurs satellites, bien qu’indépendantes en fait, s’expliquent pourtant par le même principe et ont une origine commune. Quel est ce principe et quelle est cette origine ? Une telle question nous fait entrer dans l’ordre spéculatif. Le principe est objet de conception ; il ne peut être saisi directement par l’expérience ; il faut le déduire des faits observés. La spéculation est la vue par les yeux de l’esprit de ce qui n’est pas perçu par le sens ou par l’intuition. C’est une construction idéale ; elle commence par une conjecture, et trop souvent, hélas ! finit par où elle commence. »

On voit clairement par là la distinction que M. Lewes établit entre l’ordre positif et l’ordre spéculatif. Les faits et les généralisations immédiates des faits appartiennent au premier : c’est le champ de l’expérience sensible, de l’intuition. Les inductions, les hypothèses, qui ont pour objet d’expliquer ces faits et ces généralisations de premier degré, sont du domaine de la spéculation ; on peut les appeler les symboles abstraits des données positives. Elles sont métaphysiques, parce qu’elles sont en dehors et au-dessus des choses